saccades ignorées des vagues Ô mers des sept douleurs qui ont
le don de recevoir
ô douces eaux cachées sous les pointes de la terre
des portes du sable comme le sel ouvert au plus charnel des hommes
taisons-nous
anonymes naufragés de l’insolite paquebot
de ce voyage plutôt charnel
plutôt rêveur de naufragés sans espoirs
Ô mers qui ont le don de rejeter les mannes
des caravelles anonymes
ô folles eaux caressant les rivages de l’homme
d’atomes vivants dans mon silence et dans ma nuit
la nuit de tous les départs
de marins criant naufrage au feu de la chandelle
ô nuits assassinant les heures que j’ai pourtant signées
des molécules embuées d’eau lourde du mensonge des hommes
de tous les hommes présents dans leur effraction
pistes des vaisseaux engloutis par les flots de la piraterie
routes des épices et de la soie des femmes exigeantes
que nous saluons
Ô mers qui ont le don de voir les cicatrices du passé
des vagues calculées en saccades
ignorées des modulations de la sirène mal-aimée
des ouvertures que nous célébrons encore
chemins de mer morte
parce qu’elle est décédée
ô folles eaux battant nos tempes de voyageurs incompris
folles trop folles routes voraces de chair
qui nous soient franchement ordonnées
paroles ignorées de femmes négligées
comme les mers au rouet des citronnelles
mots insensés d’hommes trônant les nuits de carnaval
loin trop loin des routes que partage mon bonheur
mers Ô mers qui ont le don de recevoir et de donner
d’un cœur très pur
d’une main trop large
jusqu’aux bords de l’allégresse
eaux folles battant nos corps de réfugiés
que nous jetons aux quatre coins cardinaux
ô folles eaux que nous saluons aux pas
de grâce
des portes
toujours des portes du sable
taisons-nous
anonymes passagers de l’insolite paquebot
trop maculé de promesses
Port-au-Prince, décembre 2000
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