Je suis noir et je n'aime pas le manioc

Gaston Kelman

 
Je suis noir et je n'aime pas le manioc
Max Milo | Date de parution : 2 février 2004
ISBN : 2914388543 | 192 pages | Prix : 15.90 Euros

«Alors mon brave, dit un officiel français à un émigré convalescent dans un hôpital de Bamako : Alors, toi content repartir en France regagner sous ! Toi faire quoi en France ? - Je suis Professeur de littérature à la Sorbonne, monsieur».
 

Un Noir, n'est-ce pas, ce n'est pas très intelligent ni très cultivé. Il a certes de bons côtés : il se nourrit de manioc, il est rieur, enfantin, doué pour la musique (sauvage et rythmée, pas classique), mais c'est surtout un sous-développé qui compense par un membre surdimensionné… Tout le monde le sait.

Or, la France compte un nombre incalculable de ces individus qui font partie intégrante de la nation, comme Gaston Kelman. L'auteur vit en effet en France depuis vingt ans et se définit avant tout bourguignon. Fort de son expérience, il dévide avec une verve féroce les lieux communs qui pèsent sur sa communauté, alternant le sérieux de son propos avec des anecdotes pathétiques, hilarantes et parfois cruelles. En véritable sociologue, Il n'omet pas de porter un regard lucide sur les Noirs “qui se complaisent trop souvent dans le rôle tout trouvé de victimes”.

L'exercice ne doit rien au masochisme : c'est en fait un exposé analytique des bases d'un racisme ordinaire qui frise le niveau intellectuel de l'homme de Neandertal.

Peu d'essais posent aussi brutalement la question à laquelle généticiens et anthropologues ont pourtant déjà répondu : et si le Noir n'était rien d'autre qu'un Blanc à la peau noire ?

Gaston Kelman est né au Cameroun il y a 50 ans. Titulaire d'une licence bilingue de l'université de Yaoundé, il a continué une partie de ses études en Grande Bretagne, puis en France en obtenant un 3 ème cycle d'urbanisme. Il a exercé pendant 10 ans des fonctions de directeur au SAN (syndicat d'agglomération nouvelle) et à l'Observatoire urbain de la ville d'Evry. Aujourd'hui il est consultant au sein d'une association* qui milite pour l'intégration des migrants noirs.

*Association Génération II – Citoyenneté – Intégration   91 000 Evry

SOMMAIRE

  • Introduction
  • Avant propos
  • Je suis noir et je suis civilisé
  • Je suis noir et je suis assimilé
  • Je suis noir et je suis bourguignon
  • Je suis noir et je suis cadre
  • Je suis noir et j’en ai une petite
  • Je suis noir et ma fille est marron
  • Je suis noir et je n’aime pas les blacks
  • Je suis noir et je n’en suis pas fier
  • Je suis noir et je me soigne
  • Conclusion
     

EN QUESTIONS

Gaston Kelman : «Le Noir est comme tout le monde»

Gaston Kelman est noir. Il vit depuis vingt ans en France, et se dit avant tout «bourguignon». Dans Je suis noir et je n'aime pas le manioc, ce quinquagénaire né au Cameroun, urbaniste de formation, dévide avec une verve féroce les lieux communs qui pèsent sur les Noirs, alternant sérieux, humour et cruauté.

En véritable sociologue, Kelman porte aussi un regard lucide sur les Noirs «qui se complaisent trop souvent dans le rôle de victimes». L'exercice ne doit rien au masochisme: Kelman se borne à analyser, ici, les bases du racisme ordinaire, lequel témoigne assez souvent chez l'individu qui en est infesté d'un niveau intellectuel digne de l'homme des cavernes.

C'est un essai drôle et brutal sur une question à laquelle généticiens et anthropologues ont d'ailleurs déjà répondu: et si le Noir n'était rien d'autre qu'un Blanc à la peau noire? A peine un mois après sa sortie en librairie, on y revient.

Propos recueillis par Marine de Tilly
4 mars 2004© Le Figaro Littéraire

LE FIGARO LITTÉRAIRE: «Je suis noir et je n'en suis pas fier.» Ce chapitre a suscité des réactions très vives dans la communauté noire. N'est-ce pas un peu provocateur?

Gaston KELMAN. – Bien sûr! Mais je crois que cela n'a pas été toujours bien compris. J'entame chaque partie à l'aide de phrases très fortes, et, dès les premières lignes, je m'explique. Dans mon livre, je développe l'idée selon laquelle nous n'avons pas à être fiers d'être noir, blanc, jaune ou ce que vous voudrez.

Il n'y a rien de plus pathétique pour un peuple que d'être obligé de revendiquer le simple droit à l'existence. Quand il est contraint à crier sa fierté, c'est qu'il ne l'a justement pas acquise. Voilà ce que je crois.

Dans la bouche du Noir, «je suis fier» équivaut à «je n'ai pas honte», et ça, je le refuse. Je ne pense pas qu'il y ait quelqu'un qui estime sa race et son peuple plus que moi; mais aimer un peuple, c'est être avec lui et derrière lui, pas le brandir comme un état d'âme.

Selon vous, le Noir doit apprendre à supporter le racisme et à ne pas s'appuyer sur lui pour justifier un quelconque échec. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Il est évident que le racisme – que l'on peut d'ailleurs appeler ethnocentrisme, sectarisme, intolérance, xénophobie – vient de l'idée que chaque peuple désire être le meilleur, et il y aura toujours des comportements ségrégatifs pour une raison ou une autre.

Les femmes en ont souffert, les juifs aussi, les handicapés en souffrent encore, bref, cela a toujours existé.

Comme le handicapé ou le juif, ou même l'obèse ou le laid, le Noir doit se battre pour prouver qu'il est comme tout le monde. Il doit vivre et lutter en attendant que la discrimination dont il est l'objet ne soit plus raciale, mais ethnique, générationnelle ou générique.

On parlera peut-être alors d'antisoudanisme, d'antibantouisme ou d'antizoulouisme, comme on dit antisémitisme, antijeunisme ou antiféminisme.

Pendant la colonisation, le «Nègre» est devenu «Noir», et vous considérez cela comme une régression. Pourquoi ?

J'appelle cela les «édulcorations linguistiques». Le Noir d'origine, supposé susceptible, ne supporte soi-disant pas l'appellation de «Nègre». C'est cette idée qui est insupportable et inadmissible.

«Blanc» n'est pas une insulte, «Jaune» n'en est pas une non plus, et «Nègre» ne doit pas en être une, du moins aux yeux des concernés.

Il faut dissiper toute cette paranoïa. On est passé de «Nègre» à «Noir», puis de «Noir» à «homme de couleur», et maintenant nous avons droit à «Black» en France. Franchement, jusqu'où irons-nous?

Je suis noir, nègre, de couleur, bien sûr! Mais je ne veux pas que, tous les cinquante ans, on me débaptise parce qu'on a l'impression que je ne suis pas capable d'assumer ma condition.

Je ne veux plus entendre «vous comprenez, ils ont beaucoup souffert, il ne faut plus les traiter de Nègres». C'est cela qui est très humiliant. Nous avons un passé que nous supportons, comme n'importe quel peuple qui a souffert dans son histoire.

Alors, les Noirs, responsables mais pas coupables ?

Absolument. Blancs et Noirs, nous avons tous une part de responsabilité dans le déclassement des Noirs dans la société française.

Ce livre ne donne pas de leçons, il veut juste relancer le vrai débat.
 

 

Le Monde, 26 avril 2004 : le débat sur la place des Noirs en France.