AYITI

Dans le film ’’Touche pas à mon homme…’’
la mentalité haïtienne se désintègre

dans la modernité québécoise
par le choc culturel

Par Marie Flore Domond

Touche pas à mon homme
Le premier film du nouveau réalisateur Jean-Rony Lubin
Mettant en vedette Don Karnage, Dayana Louis,
Marie Ève Dumoulon, Jean- Rony Lubin

Le réalisateur s’est empressé d’aviser les médias au point de presse de ne pas cataloguer son tout nouveau long métrage de «film d’amour». Car ce projet longtemps mis sur papier et qui s’est enfin concrétisé est le fruit des ses expériences vécues et de malencontreuses histoires racontées qu’il a laborieusement centrées sur le choc culturel des nouveaux arrivants de la terre d’accueil: le Québec. La relation de couple est donc le fil conducteur de sa réalisation mais certainement pas le motif de l’œuvre.

Le potentiel de l’œuvre

En comparant le film avec d’autres tentatives cinématographiques qui ont été faites par le passé, Jean-Rony Lubin a le mérite d’aérer le sujet portant sur le choc culturel par la brise de la modernité, du développement et de l’audace. Impartial dans les faits, il démontre la part des choses. La gente féminine révèle sans surprise son énorme volonté de sacrifice. Cependant, elle affiche avec étonnement son intransigeance quand on lui oblige de la concession. La preuve qu’elle ose poser un ultimatum d’un contrat de mariage à son fiancé infidèle.

Pour sas part, l’homme se montre toujours autant généreux dans ses élans immatures et égocentrique mais toutefois, nettement moins orgueilleux allant jusqu'à faire amende honorable auprès de la famille de sa fiancée.

Le réalisateur possède un regard sensible ainsi qu’une grande justesse du sentiment d’amour et filial entre les sexes opposés. Sa conception d’écriture est libérale. Il manifeste un désir de rapport d’égal à égal au stade du discours. Cette intention fait pourtant défaut au niveau de la pratique. Comme il joue lui-même le rôle clé dans la trame complète du scénario, il utilise toute la force de la misogynie de son personnage pour dissoudre des unions. Le film en soi a une portée d’équilibre satisfaisant. Il rend hommage à la solidarité féminine autant que la complicité masculine. Sa dynamique va plaire ou contrarier mais ne laissera personne indifférent.

Erreur de jugement ou provocation !

On y retrouve encore ce bon vieux cliché du franc croyant opposé au pratiquant du vodou. Or, dans le contexte de la modernité, j’affirme que toute la logique et les arguments du reniement et du rejet de la tradition évoqués dans une séquence est insoutenable puisqu’une religion, un héritage ancestral ne peut être comparé ni substitué à l’objet d’une thérapie quelconque. Il n’est pas appelé à être aboli mais à se renouveler, perpétrer en tout temps et en tout lieu. (Ayïbobo)

Le professionnalisme de l’équipe technique

La bande sonore du film retient l’attention. Elle est entraînante et enjouée à l’image d’un animateur de radio qu’est le réalisateur. Mise à part la prise de sons qui dénote une instabilité au niveau du réglage parce que trop aiguë par moment, les artisans offrent des coups de caméra artistique. En effet, on peut apprécier du traveling, des panoramas de paysage, des angles intéressants, des cadres bien situés. On ne peut passer sous silence des plongés et contre plongés qui mettent en évidence les situations périlleuses des protagonistes. Au niveau de la luminosité, l’éclairage est conforme à chaque ambiance. Pour tout dire, la caméra est bien apprivoisée, elle ne bouge pas inutilement. La vie sociale épanouie des personnages est mise en relief dans une belle exploration des lieux d’attractions: les parc, plans d’ensemble à travers les domaines résidentiels, les sites touristiques. Sauf, dans les cas de fondus ou les enchaînements de scènes trop brusque. Le procédé de filtrage aurait été souhaitable. La direction artistiques et photographique a bien fait son travail. L’accessoiriste est bien de son temps en faisant étalage à souhait d’une société de consommation.

Mon coup de cœur personnel est ce flash back en noir et blanc oû se déroule, je devrais dire, se démêle soudain le nœud de l’histoire. Je ne tiens pas à résumer l’histoire au risque de vendre une mèche des intriques qui comportent d’ailleurs plusieurs petits cachets de surprise dont la fin qui laisse les spectateurs sur impression frénétique et fébrile de la fin de cession d’une grande télé série américaine.

Le créole n’est pas en peau de chagrin

Dans la tentative d’insertion d’un des personnages, un employeur réplique en créole à son interlocuteur. Il explique à ce dernier que beaucoup d’haïtiens travaillent à son entreprise. C’est à croire que si «IMPOSSIBLE N’EST PAS FRANÇAIS», il n’est pas créole non plus. La bataille est longue, c’est tout.

Battre de l’eau pour en faire du beurre

Pour ce qui est du réalisateur, il a déclaré avoir dépensé tout son petit change dans cette aventure de production indépendante. Il va jusqu’à avoué avoir investi son avenir dans un petit budget de $ 75.000. Une somme qu’il a dû puiser un peu partout pour pouvoir concrétiser son rêve. L’assistante réalisatrice, madame Nancy a précisé a son tour que plusieurs castings ont amené au choix des acteurs. D’ailleurs, l’actrice principale, Dayana Joseph à une formation en théâtre en danse et que sa transition de la scène au plateau a été un beau défi. Les autres pour la plupart ont tenté leur première expérience. Toutefois, ils ont été préparés avant de franchir cette ligne.

Le message dans son essence

Selon Jean-Rony Lubin, le choc culturel a un impact incontournable sur les immigrants qui se résume en quatre étapes: l’euphorie, la déception, le répit et le rattrapage. Je n’accorde pas une note de soutien mais une mention bien méritée à ce travail d’équipe.
 

 
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