Au sein de l'Éducation nationale, les
classes bilingues étaient jusqu'alors expérimentales et marginales.
«Changement de cap», a dit, hier, un Jack Lang qui ne craint
pas de froisser le camp des laïcs attachés à l'enseignement de tous
par une seule et même langue, celle de la République.
Une circulaire est prête: le breton, le
basque, le corse, l'occitan, le catalan, le créole, les langues
d'Alsace et celles des pays mosellans vont être reconnues langues
d'enseignement à parité avec le français.
En réponse aux demandes toujours plus nombreuses des familles
et des enseignants, le ministre veut développer des «filières
bilingues par immersion», de la maternelle à l'université. Sur
24 heures de cours hebdomadaires par exemple, 12 heures seraient
dispensées en breton, autant en français. Les collégiens pourront
également choisir leur langue régionale comme première langue vivante.
C'est «un trésor à préserver et à développer»,
a expliqué un ministre convaincu depuis longtemps que l'excommunication
de ces «langues de la France» était une injustice. Il parie
également sur une dynamique.
La formation des maîtres
Jack Lang, depuis son retour rue de Grenelle,
s'est personnellement investi dans les discussions avec l'association
Diwan. Il a repoussé les critiques émises au sein même de son ministère.
«Nous sommes prêts à intégrer Diwan dans l'Éducation nationale
; il lui appartient de se prononcer. Nous ne voulons forcer la main
de personne. Mais j'assume et je suis prêt à signer.»
Ce développement du bilinguisme régional
va toutefois se heurter à des problèmes de recrutement, de formation
des enseignants, et d'accueil dans les établissements. Les 17 académies
concernées, dont Nantes et Rennes, vont devoir dresser un plan des
besoins. Dès septembre, les instituts de formation des maîtres initieront
des stagiaires volontaires. Un concours spécial de recrutement interviendra
à la rentrée 2002. Pour combien d'enseignants? Le ministère ne livre
aucun chiffre. Il se déterminera en fonction des demandes des académies.
Si les syndicats d'enseignants se montrent
en général réservés, voire très critiques, des associations et des
élus se disent plutôt enthousiastes.
Tel Jean-Yves Le Drian, le député socialiste de Lorient:
«C'est le début d'une réparation historique. Les Bretons qui
ont milité pour la préservation de leur langue trouvent là une récompense
à leurs efforts. Tout commence, mais les outils du renouveau sont
sur la table»
Plusieurs conseils régionaux et généraux
sont prêts à s'investir pour les langues que l'on disait jadis et
péjorativement «minoritaires». Une convention «exemplaire»,
souligne Jack Lang, vient d'être signée en Alsace. La Bretagne pourrait
en faire autant d'ici l'été. |