2em Kabar pou la kréyolité
 

Pour un partage solidaire pancréole
des néologismes et du vocabulaire
Po in partaz sanmlèr far-kréol bann fénésansri ek vokabilèr

Franswa SINTOMER
Mouvman Lan-tant Koudmin

 

Franswa

Comme vous pouvez le constater avec le titre de cette communication, notre objectif réside dans le fait que nous sommes pour un partage solidaire de l'emprunt de vocabulaire pan créole, ainsi que pour un partage solidaire des néologismes pan créole.

Plusieurs arguments, que nous développerons plus tard, soutiennent cet objectif.

Pour arriver à cette finalité, il est nécessaire de toujours avoir à l'esprit que beaucoup de scientifiques travaillant sur la langue créole l'ont déclaré « langue autonome ». C'est pourquoi il est maintenant possible d'affirmer que la langue créole possède toutes les capacités lui permettant un développement par elle-même et pour elle-même. La création de mots, les néologismes, sont d'ailleurs une des premières réponses face à ce développement.

Cependant, même si comme nous venons de l'affirmer, le créole est une langue autonome pour les créolistes, il n'en est pas de même por la majorité des créolophones.En effet une grande partie des locuteurs créolophones éprouvent des difficultés a faire correctement une séparation entre les deux langues. Le fait est que la diglossie présente est tellement marquée qu'ils construisent une dépendance plus forte que celle connue avant que le créole n'entre dans la sphère scolaire.

Argument n°1

Avant tout, l'emprunt se doit d'être pan créole, c'est à dire qu'il doit s'effectuer au sein de la famille des langues créoles à base lexicale française.

Ainsi, il devient alors possible de s'extraire de cette dépendance face au français, dépendance qui ne permet pas cette distanciation nécessaire au développement et à l'acquisition correcte des deux langues.

Voici quelques exemples :

Français

Franscréole

Créole

Débat

Déba

Sobatkoz

Interview

Interviou

Antrokoz

Maison

Mézon

Kaz

Arbre

Pyédzarbre

Pyédbwa

Champ de canne

Chandcanne

Karokann

Moi, je

Moi

Mwin, mi

Les, des

Bann

Le

Le

Lo

Les objectifs

Zobjektif

Bann pwinvizé

Fatigué

Fatig

Fay

Malade

Malad

Fayad

Poète

Poét

Fonnkézèr

Prenons un autre exemple concret en rapport cette fois ci avec le monde des médias. A l'heure actuelle, de part la conjoncture de la langue créole, il est courant que certains journalistes parlent créole à l'antenne que ce soit radio ou télé. Emplis de spontanéité, ils le parlent comme cela leurs vient. Certes, la démarche est plus que louable, mais le problème est que ces journalistes tendent à glisser vers un langage franscréole, créant ainsi des interférences et accentuant la diglossie ambiante.

Cette liste d'exemples est loin d'être exhaustive mais elle suffit pour nous rendre compte à quel point aujourd'hui beaucoup de locuteurs créolophones utilisent le mot français sans lui opposer un seul changement. Le locuteur n'opère plus de créolisation comme il était le cas avant. Cela entraîne alors un appauvrissement de la langue et freine son développement. Même si le créole est loin d'être une langue morte, il reste en voie de disparition que l'on qualifiera de sournoise, de par l'aspect glottophagique de la langue française.

Argument n° 2

Le second argument réside dans le fait que contrairement à ce qui est souvent affirmé, l'écart présent entre les différents créoles n'est pas si important que cela. En effet, un locuteur du créole réunionnais peut comprendre, certes après un temps d'accommodation, un locuteur créole antillais, qu'il soit guadeloupéen ou martiniquais.

Ces préjugés sur les langues créoles ne tiennent donc pas. Ainsi, un locuteur du créole réunionnais ayant appris à écrire le créole réunionnais, peut tout à fait lire sans grandes difficultés le créole mauricien, et le mauricien pourra lire le martiniquais sans encombres.

Argument n°3

Il est nécessaire d'amener notre savoir-faire vers un développement des néologismes en créole.

Certains scientifiques voulant bloquer l'avancée du créole ont affirmé qu'il n'existait pas entre les créoles d'intercompréhension. Nous pensons notamment à Mr Chaudenson qui, il y a quelques années avait tenu ce raisonnement face à nous lors d'un débat organisé par l'Université de la communication. Or, dans une certaine mesure il y a intercompréhension.

Quoi qu'il en soit nous soutenons la thèse selon laquelle il existe un sentiment épilinguistique entre les différents créoles.

Cela veut dire que lorsqu'un locuteur seychellois entend un réunionnais ou un martiniquais, son ressentiment naturel le pousse à constater qu'il existe un lien de parenté entre les deux langues créoles. Il est évident que la distance existant entre les différents créoles n'est pas égale à celle existant entre les langues telles que le français, l'italien, ou l'espagnol. Elle est moindre et c'est pourquoi nous affirmons qu'il y a intercompréhension entre les locuteurs créoles selon la zone d'usage. Ainsi, s'attacher à travailler sur le rapprochement des créoles du monde n'est pas une tache irréaliste. Concernant nos objectifs c'est aussi un moyen d'avancer dans la construction d'une langue écrite.

Argument n°4

Pour aider à la progression de la langue créole, il est nécessaire de l'envisager d'une manière solidaire c'est à dire d'une manière où serait réuni les créoles du Monde entier. N'est-ce pas une belle perspective d'avenir solidaire?

Déjà, nos collègues créolophones présents au colloque international Bannzil intitulé «l'invention des mots pour l'avenir des langues créoles bannzil» prédisaient qu'ils nous étaient primordiale, à nous tous locuteur, d'être en accord avec notre langue. Renforçant notre combativité, cet accord renforce également la construction de notre identité de créolophones à l'échelle mondiale.

De plus, au fur et à mesure que s'écoule le temps, on se rend compte de la nécessité de régler certains paramètres linguistiques :

  • Sortir des situations diglossiques
  • Renforcer les paramètres de distanciation entre le français et le créole.
  • Régler les différents problèmes de dysgraphie présents dans le créole réunionnais.
  • Amener un développement efficace de notre enseignement du créole.

Conclusion

Au regard du chemin parcouru jusqu'à maintenant par la langue créole, au regard de sa situation actuelle, c'est à dire de cette conjoncture qui nous amène vers une certaine mondialisation, nous pouvons dire en conclusion de cette communication pour ces deuxièmes rencontres de la créolité, qu'il est temps pour tous maintenant (locuteurs, écrivains, scientifiques…) de prendre le droit et d'avoir le devoir d'inventer des nouveaux mots, dans un partage solidaire pan créole.