Es lakou dò? (La cour dort-elle?)
Par cette énergique interpellation, le conteur créole traditionnel nous préserve de l'engourdissement durant les veillées populaires. Par le même appel, Daniel Boukman secoue son public, le mettant en garde contre un mal insidieux qui l'assaille dans sa vie de tous les jours: l'aliénation. II y parvient par la magie du théâtre.
L'héroïne de la pièce est une de nos grand-mères créoles, seule à son foyer. Son fils et sa belle-fille, partis en voyage, lui ont confié, pour la durée de leur absence, leurs deux enfants, Mikayel et Lumina. Bien implantée dans sa culture, elle entend l'inculquer à ses petits-enfants. Elle les nourrit de ses propres principes (l'application au travail, la simplicité des besoins et du maintien ...) ainsi que de son imaginaire créole où ont leur place le colibri, le crapaud, le bœuf, le cheval, le célèbre Compère Lapin et les autres personnages des rêves de sa propre enfance.
Contre ce monde pacifique, voici l'irruption d'un ultra-modernisme agressif. Pour l'incarner, il y a les représentants de commerce, vendeurs bavards d'inutilités, mais surtout le pire des entremetteurs, le poste de télévision. II fait entrer par effraction dans la vieille maison, les valeurs séductrices et le plus souvent abêtissantes des mondes européen et américain, par le truchement, notamment, de leurs personnages de bandes dessinées. Tout naturellement, ceux-ci s'emploient à séduire les deux petits-enfants de Man Doudou. Lumina résistera, mais Mikayel, malgré les secours que tentera de lui porter sa grand-mère, tombera dans leur filet.
Quant à Man Doudou, du fond d'une cellule de fou, elle persistera à pousser le cri réveilleur: “Es lakou do? ”
La pièce, qui procède par tableaux enchaînés et dont le texte comporte une mise en scène précise, est menée avec une remarquable vivacité et une incontestable maîtrise dramatique.
Georges MAUVOIS
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MIGANNAJ, Daniel Boukman • Editions Mabouya • 2005 • ISBN 2-951-3527-1-11 • 15€.
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Discours au marché du chômage par le poète palestinien Samih EL QASIM traduction de Daniel Boukman.
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