J'ai commencé par peindre des pommes. Ainsi le voulait ma tradition, occidentale et moderne, en un mot, impressionniste. Il fallait mener boire la peinture à la source des sensations que nous cause le visible. Mais une tradition honnêtement suivie nous conduit souvent hors d'elle même. D'autant que les moyens de communications propres à notre époque réduisent la durée où l'espace qui nous séparent d'autres traditions. C'est pourquoi j'ai cru pouvoir trouver dans l'art roman, toujours debout et multiplié par la photographie, un autre ferment. L'artiste y apparaît comme un illustrateur intrépide des légendes les plus compliquées. Mais sa religion n'est plus la nôtre. Je ne puis retenir que la forme de son art et l'appliquer à une mythologie plus récente.

L'esclave et ses chaînes est un couple de douleur qui me semble doué de la même force symbolique que le Christ et sa croix. Or mon état civil me le rend aujourd'hui peut-être plus familier. Né en France dans les années soixante, marié à une martiniquaise, je suis d'accord pour remuer avec mes moyens d'artiste le drame de l'esclavage. Ses conséquences ne sont pas éteintes et il est juste de vouloir les améliorer. J'ai réalisé un ensemble tiré à 12 exemplaires de 5 lithographies noir et blanc, format 37 x 57 cm, sur le thème de l'abolition de l'esclavage. Ces estampes sont présentées dans un portfolio lui-même linogravé. A présent que l'esclavage est aboli, puissent ces quelques dessins où il est question comme dans l'art religieux de délivrance, de méditation et de pardon apporter une contribution à ceux qui travaillent à organiser, pour le bien des générations à venir, le deuil de l'esclavage.