Parler du français
au Canada en débordant la linguistique et en le situant par
rapport au monde francophone n'est pas une chose aisée. Il
faudrait commencer par redéfinir tous les termes. Qui parle
français au Canada et où? Quel français parle-t-il?
Quels rapports entretient-il avec la francophonie linguistique?
et son pays avec la Francophonie institutionnelle? Il y a tant de
choses à dire qu'il est bon pour classer ses idées
de préciser quelques points. Mais il faut surtout se situer
dans une perspective pluridisciplinaire et envisager les aspects
politiques, économiques, sociaux, historiques et géographiques
de la question pour compléter le sujet abordé en général
sous un angle plus précisément linguistique.
Tout d'abord il faut faire la différence entre "francophonie",
"Francophonie" et "espace francophone" (ou "monde
francophone"). Ces trois expressions, ou syntagmes, sont parfois
synonymes, mais le plus souvent complémentaires dans l'usage:
la "francophonie", avec un f
minuscule, désigne généralement l'ensemble
des peuples ou des groupes de locuteurs qui utilisent à l'occasion
ou généralement (on dit parfois partiellement ou entièrement)1
la langue française dans leur vie quotidienne ou leurs communications.
la "Francophonie", avec un F
majuscule, désigne plutôt l'ensemble des gouvernements,
des pays ou des instances officielles qui ont en commun l'usage
du français dans leurs travaux ou leurs échanges2.
Le "monde francophone" ou "espace francophone"
représente une réalité non exclusivement géographique
ni même linguistique, mais aussi culturelle: elle réunit
tous ceux qui, de près ou de loin, éprouvent ou expriment
une certaine appartenance à la langue française ou
aux cultures francophones – qu'ils soient de souche slave,
latine ou créole, par exemple. Cette dénomination
d'espace francophone est la plus floue, mais aussi peut-être
la plus féconde3.
Dans les instances officielles de la Francophonie, chaque État
ou gouvernement jouit statutairement d'un siège et d'un droit
égal. C'est ce qui différencie entre autres la Francophonie
du Commonwealth. Dans le Commonwealth, le chef de l'État
britannique préside d'office et mène les débats.
Dans la Francophonie, le chef de l'État qui accueille le
Sommet devient président jusqu'au Sommet suivant. On peut
ainsi théoriquement faire le tour de la cinquantaine de pays
et de gouvernements participants - 54 exactement - la France ne
jouissant officiellement d'aucun privilège par rapport aux
autres4.
A- LE CANADA DANS LA FRANCOPHONIE
Le Canada tient beaucoup à la Francophonie et y joue un
rôle important puisque comme on vient de le voir (note 2),
il dispose de 3 sièges (Canada, Canada-Québec, Canada-Nouveau-Brunswick)
alors qu'il n'en a qu'un au sein du Commonwealth, de fondation plus
ancienne et créé spécialement pour succéder
à l'empire britannique.
L'originalité du Canada dans le monde francophone tient
à plusieurs facteurs:
- Il en est le plus grand pays.
D'une grande étendue de plus de 10 000 milles km2 (9,970,610
km2 exactement), il est le 2e pays du monde
par la superficie derrière la Russie (17,075,400km2)5.
Il devance la Chine (9,780,000 km2), les États-Unis
(9,385,000 km2) et le Brésil (8,512,000 km2).
Par rapport aux autres pays francophones il est de très
loin le plus vaste. Si l'Algérie6
participait à la Francophonie, elle serait deuxième
avec 2,376,390 km2. Les autres pays étant par ordre décroissant
le Congo (2,345,410km2), le Tchad (1,284,000km2),
le Niger (1,267,000 km2), le Mali (1,240,000 km2),
la Mauritanie (1,030,700km2), l'Égypte (1,001,450
km2),.la France n'ayant que 547,026km2 soit
près de trois fois moins que le Québec qui à
lui seul représente 1,540,680 km2. (Le Québec
se voudrait d'ailleurs plus grand puisque l'Angleterre l'a amputé
du Labrador qui a été attribué à l'île
de Terre-Neuve: c'est une vaste zone, riche de minerais et d'un
très grand potentiel hydro-électrique.)
- Le Canada est un pays d'Amérique.
On oublie souvent que la Nouvelle-France d'avant le traité
de Paris (1763) représentait la plus grande partie de l'Amérique
du Nord, connue et exploitée. Le diocèse de Mgr
de Montmorency Laval, premier évêque de Québec,
allait de l'Atlantique aux Montagnes rocheuses et descendait jusqu'au
Golfe du Mexique (la Nouvelle Orléans). Seule une bande
de terre le long de l'Atlantique à partir de Boston, la
Nouvelle Angleterre, appartenait à la couronne britannique
et parlait l'anglais.
Le Canada français y compris le Québec, n'est plus
aujourd'hui partie de la France en terre d'Amérique. C'est
une terre américaine dans laquelle on parle le français.
On réserve souvent, à tort, le terme "américain
" aux habitants des États-Unis. Pour les Québécois,
la chose est claire: ils sont aussi des Américains, leurs
voisins du sud étant des États-uniens.
- Le Canada va de l'Atlantique
au Pacifique. De l'autre côté des Rocheuses,
l'horizon se tourne vers l'Asie. La Colombie britannique - également
appelée Colombie canadienne - reçoit chaque année
de nombreux asiatiques venus de Hong-Kong ou d'ailleurs: on compte
d'assez nombreux émigrés venus au cours des vingt
dernières années du Vietnam et du Cambodge, à
un degré moindre du Laos, c'est-à-dire des trois
pays asiatiques de l'espace francophone.
- Le Canada est un pays jeune
encore peu peuplé. Un ancien premier ministre canadien
McKenzie King soutenait que le Canada avait trop de géographie
et pas assez d'histoire. C'est en 20037
un pays qui avec 31,900.000 habitants a accepté et accepte
encore pour mettre le pays en valeur - mais avec des restrictions
désormais en raison du chômage - des émigrés
de tous horizons.
- Le Canada reconnaît les
cultures d'origine contrairement aux États-Unis
qui favorisent le melting-pot. L'ancien premier ministre Pierre
Eliott Trudeau a favorisé au cours des années 1970
le bilinguisme, mais aussi le multiculturalisme: ce qui vaut au
Québec très majoritairement francophone mais minoritaire
en Amérique du Nord, de compter avec les groupes d'Italiens,
de Scandinaves, de Polonais, de Juifs, de Chinois, etc... minorités
dans la minorité.
- Le Canada est une confédération,
composé actuellement de dix provinces. On sait qu'après
le retrait des Français, l'Angleterre développa
le Haut Canada (en gros l'Ontario actuel à majorité
britannique) qui fusionna avec le Bas-Canada (le Québec
à majorité française) par l'Acte d'Union
de 1840. L'Acte de l'Amérique du Nord britannique créait
en 1867 la Confédération Canadienne, avec quatre
provinces: le Québec, l'Ontario, le Nouveau-Brunswick et
la Nouvelle-Écosse (ces deux provinces représentant
en gros l'ancienne Acadie). Puis s'ajoutèrent le Manitoba
(1870), la Colombie britannique( 1871), l'île du Prince
Édouard (1873), l'Alberta et le Saskatchewan (1903), et
enfin Terre-Neuve (1969).
Alors que le pays n'était peuplé au XVlle
et XVIIIe siècles que de Français et
d'Amérindiens, puis de Métis franco-indiens de langue
française, le statut du français et le pourcentage
de ses locuteurs dans la population totale ne firent que s'amenuiser.
Selon le recensement linguistique de 1991, les francophones représenteraient
à peine le quart de la population totale (24,6%) soit 6,722,150
sur 27,296,860, du moins pour ce qui est de la langue maternelle.
Ils sont en fait plus nombreux à parler français
au Québec que les ressortissants de langue maternelle,
mais moins dans les minorités du reste du pays où
le taux d'assimilation à la langue anglaise est de plus
en plus important dans les milieux urbains à faible densité
française.
D'où il ressort que le français est conséquent
dans deux provinces: le Québec (le français y est
devenu seule langue officielle) et le Nouveau-Brunswick (seule
province officiellement bilingue). Les autres provinces sont officiellement
anglophones. L'Ontario compte une importante minorité francophone
(534,900 personnes) mais qui ne représente que 5,3% de
la population (10,084,885). Au Nouveau-Brunswick, les francophones
sont 34,5% soit 249,988 sur 723,900 et au Québec, ils sont
très largement majoritaires (82,5%) soit 5,689,520 sur
6,985,965.
Comme on le voit, les provinces sont très différentes,
par la superficie, la population et le statut de la langue française.
Ce qui explique, étant donné leur autonomie relative,
que malgré le bilinguisme officiel du gouvernement fédéral
du Canada, seules deux provinces participent vraiment à
la francophonie.
POURCENTAGE DES FRANCOPHONES
Pays, province ou territoire |
Population totale |
Langue maternelle |
Pourcentage |
Québec |
7 045 080 |
5 700 150 |
80,9 |
Nouveau-Brunswick |
729 625 |
239 730 |
32,9 |
Ontario |
10 642 790 |
479 285 |
4,5 |
Manitoba |
1 100 295 |
47 660 |
4,3 |
Île-du-Prince-Édouard |
132 855 |
5 555 |
4,2 |
Nouvelle-Écosse |
899 970 |
35 040 |
3,9 |
Yukon |
30 650 |
1 110 |
3,6 |
Territoire- Nord-Ouest |
64 120 |
1 360 |
2,1 |
Alberta |
2 669 195 |
52 375 |
2,0 |
Saskatchewan |
976 615 |
19 080 |
1,9 |
Colombie-Britannique |
3 689 755 |
53 035 |
1,4 |
Terre-Neuve |
547 160 |
2 275 |
0,4 |
Canada |
28 528 125 |
6 636 660 |
23,3 |
Source:
Statistiques Canada, 1996
- Le Canada est un pays développé
du Nord. Correspondant à peu près à
la Russie par la latitude et le climat dans son ensemble, il est
beaucoup plus riche, participant en très grande partie
de l'économie et de la prospérité des États-Unis.
Il fait partie du groupe des 8 pays les plus industrialisés
du monde, le fameux G8 qu'il a accueilli en juin 1995 à
Halifax, Nouvelle-Écosse8.
Dans l'espace francophone, le Canada est après la Suisse
le pays le plus riche par tête d'habitant, si l'on excepte
Monaco qui n'a que 29.972 ressortissants sur un territoire de
1,8 km2 (soit 5 millions de fois plus petit que le Canada).
Tableau9
|
Superficie (km2) |
Population (M) |
Revenu par habitant
($) |
Suisse |
41 290 |
7,3 |
31
700 |
Monaco |
1,8 |
0,029 |
27
000 |
Canada |
9
976 140 |
31,9 |
29
400 |
France |
547
030 |
98,8 |
25
700 |
Belgique |
30
510 |
10,3 |
29
000 |
Cambodge |
181
040 |
12,8 |
1
500 |
B- LES RAPPORTS CANADA/FRANCOPHONIE
1 ) Les apports du Canada au monde francophone
Ainsi qu'on l'aura compris, le Canada joue un rôle si important
et si original dans l'espace francophone que, sans lui, la francophonie
serait fatalement très différente, beaucoup moins
riche et beaucoup moins prometteuse qu'elle ne l'est aujourd'hui.
Le Canada apporte précisément au moins quatre particularités
intéressantes: c'est un pays d'Amérique sans passé
colonial, un pays riche, un grand pays et un pays de langue maternelle
française au moins pour une partie conséquente de
sa population.
Le général de Gaulle, après avoir réussi
la décolonisation de la plupart des pays africains, arabes
et asiatiques, tenta de reconstruire, mais sans succès cette
fois, une sorte de communauté sur une base volontaire et
plus égalitaire. L'Union française créée
le 13 octobre 1946 n'avait pas fonctionné, dans la tentative
maladroite de concilier l'affirmation d'égalité et
la volonté de la France de diriger tout l'attelage10.
On était méfiant devant la perspective d'une communauté
française avec des états semi-autonomes. De
Gaulle était persuadé de son utilité après
la proclamation des indépendances, mais ne voulait pas être
l'objet d'une autre rebuffade après que le Guinéen
Sékou Touré ait fait voter "non" au grand
référendum africain de 1958. Léopold Sédar
Senghor tenta de réunir les pays africains et malgache avec
la France, mais ne put obtenir de résultat concret.
Avec le voyage du général de Gaulle au Canada en
1967 et son célèbre "Vive le Québec libre
", les perspectives changent. La solidarité de la communauté
française de part et d'autre de l'Atlantique est évoquée;
elle va peu à peu s'organiser avec des conférences
ministérielles (la première ayant été
celle des ministres de l'éducation de langue française)
et le développement des organisations internationales non
gouvernementales dont l'Association des Universités partiellement
ou entièrement de langue française (AUPELF) créée
à Montréal où elle fixe son siège, à
partir du regroupement en 1961 de 33 universités, francophones
en totalité ou en partie.
Le Canada et le Québec attirent les Africains qui redoutaient
d'être seuls en face de la France. Les problèmes internes
du Canada provisoirement réglés avec le retrait de
la vie politique de Pierre Eliott Trudeau qui refusait absolument
de faire une place pour le Québec dans l'organisation de
la Francophonie, le premier Sommet pourra être enfin convoqué
par François Mitterrand à Paris en février
1986. Les pays africains et les pays sous-développés
francophones regardent d'autant plus vers le Canada qu'il est un
pays riche. Son absence de passé colonial et sa richesse
redoublent le phénomène d'attirance. On ne sera plus
obligé de se tourner uniquement vers la France pour se procurer
de l'aide: le Canada pourra intervenir lui aussi. On prendra parfois
un malin plaisir de mettre les deux pays en compétition voire
en concurrence.
Et comme on l'a vu plus haut, la taille du Canada compense heureusement
la petitesse de nombreuse îles de la Caraibe (Haïti,
Dominique, Ste-Lucie), de l'Océan indien (Maurice, Seychelles,
Comores) ou du Pacifique (Vanuatu) sans compter les départements
et territoires d'outre-mer de la France (Martinique, Guadeloupe,
Guyane, Saint-Pierre et Miquelon, Réunion, Tahiti, Nouvelle
Calédonie). Il représente à lui seul les 2/5
de l'espace francophone (environ 10 millions de km2), le reste de
tous les autres pays francophones ne totalisant pas 15 millions
de km2. Même s'il est peu peuplé, il donne ainsi une
autre dimension à la Francophonie.
Enfin, c'est un pays de vieille langue maternelle française,
du moins pour le Québec, l'Acadie et les communautés
minoritaires francophones réparties dans le reste du pays.
Voilà qui rassure aussi les anciens colonisés de la
France: le Canada a un parler original par rapport à la France;
il tient souvent à garder ses distances vis-à-vis
du français de France et ne pas se fondre dans le supposé
"français international". Les Français,
d'ailleurs un peu dédaigneux de l'accent canadien qui leur
paraît archaïque et campagnard, persistent en général
à préférer "l'accent français",
sans se rendre compte qu'il y a en plusieurs, à commencer
par celui du midi bien connu de tout le monde.
Ainsi le Canada, apportant à la Francophonie une vision
différente de celle de la France, rééquilibre
les données Europe/Afrique, transformant un axe Nord-Sud
en un échange triangulaire Europe/Afrique / Amérique.
2- Les apports de la Francophonie au Canada
Mais en retour, le Canada reçoit aussi beaucoup de la Francophonie.
C'est d'abord une sorte de pendant du Commonwealth britannique qui
permet au Canada de mieux vivre son bilinguisme, de satisfaire plus
équitablement les intérêts de ses citoyens francophones
et d'être lui aussi plus équilibré.
On a dit souvent que c'était le français qui différenciait
le Canada des États-Unis. Par son appartenance à la
Francophonie, le Canada se rééquilibre aussi vis-à-vis
de son imposant voisin, en se donnant de nouvelles perspectives
plus vastes.
La francophonie lui permet encore d'accéder à une
vision du monde autre qu'américaine et anglo-saxonne. C'est
l'accès à un langage différent, de nouvelles
fenêtres ouvertes sur le monde en particulier africain et
de nouveaux rapports avec la France.
3- Les apports de la francophonie au Québec et au Nouveau-Brunswick
Le Québec et le Nouveau-Brunswick reçoivent le plus,
cela va de soi, de la francophonie. Le Nouveau-Brunswick est petit
par sa population, moins riche que le Québec et moins connu.
Depuis quelques années toutefois, la francophonie semble
lui avoir donné un nouvel essor en lui permettant d'affirmer
son bilinguisme et de nouer des contacts internationaux. On a vu
comment il a été apprécié au Sommet
de Maurice alors qu'il remettait à ce pays la traduction,
établie par des juristes acadiens, de sa constitution jusqu'alors
uniquement anglaise. L'Université de Moncton s'est en effet
spécialisée avec succès dans l'enseignement
de la Common Law en français, ce qui lui donne un certain
"leadership" auprès des autres pays bilingues anglais/français
appartenant à la Francophonie: Maurice, Seychelles, Cameroun,
Ste-Lucie et Dominique pour les principaux.
Pour le Québec qui revendique son autonomie depuis des années,
la Francophonie procure une tribune internationale hors-pair. Le
gouvernement fédéral est normalement responsable de
tout ce qui est extérieur: c'était l'argument essentiel
de Pierre Eliott Trudeau pour tenir le Québec de l'écart
des tractations internationales. Ses successeurs furent plus souples
et le Québec a pu ainsi faire entendre sa voix un peu partout.
Il est de plus en plus connu, reconnu et apprécié
au sein de la francophonie.
Le monde francophone lui apporte aussi des modèles, différents
du modèle français vers lequel il s'était bien
entendu tourné pour se fortifier pendant des années.
Le Québec se définit souvent de manière négative:
ni anglais, ni états-unien, ni français. La francophonie
lui permet de dégager plus facilement sa personnalité
sans qu'il soit écrasé par un modèle trop fort.
C'est une bouffée d'oxygène qui lui permet de jauger
ses expériences, ses réussites et ses échecs.
Par rapport à la culture française, la culture québécoise
peut paraître jeune, un peu légère au poids
de l'histoire. En se situant au milieu de pays dont plusieurs ont
acquis leur indépendance depuis une trentaine d'années,
il peut se comparer avantageusement.
C- LE FRANÇAIS DU CANADA DANS L'ESPACE FRANCOPHONE
La célèbre comédienne française Françoise
Rosay avait été fascinée par le Canada lorsqu'elle
y vint pour la première fois en 1950. Elle y trouva la vie
facile mais en même temps le système très compliqué.
Interrogé par un journaliste qui lui demandait son opinion
sur Montréal elle répondit avec humour: "c'est
une ville très belle, d'architecture anglaise, où
les gens parlent français dans d'énormes voitures
américaines".
Comment se situe dans de telles conditions le français des
Canadiens? Il ne conviendrait pas de reprendre sa description. Cela
a été fait et bien fait11.
Il est important d'insister néanmoins sur un point qui découle
de ce qui a été dit précédemment Le
modèle du français au Canada, c'est le français
du Québec. L'expression "français du Canada"
sera de plus en plus délaissée au profit de "français
québécois", des variantes comme le " français
acadien " qui lui-même a ses propres variantes dont le
"français louisianais" provenant de l'Acadie du
Sud ou l'Acadie tropicale12.
1- Le français du Québec et le français du
Canada
L'évolution du Québec vers une plus grande autonomie
est assurée, qu'il aille ou non jusqu'à l'indépendance.
Il est le chef de file de toutes les communautés francophones
qu'il influence nécessairement. Pensons à Radio-Canada
(télévision et radio) dont la plupart des émissions
dites " nationales " proviennent de Montréal. Il
en est de même pour TV5 la chaîne internationale francophone
de télévision qui reprend pour l'Amérique du
Nord les grandes émissions de Radio-Canada, ou de Radio Québec
et en diffuse quelques-unes qui lui sont propres, toujours de Montréal,
telle " Vision d'Amérique " la plus connue. Les
journaux de grande diffusion de langue française viennent
du Québec (Le Devoir, la Presse, le Soleil, le Journal de
Québec ou de Montréal). Quant aux éditeurs,
malgré l'essor remarquable des maisons d'édition de
l'Ontario (en particulier à Ottawa), de l'Acadie (à
Moncton) et dans l'Ouest (surtout au Manitoba), la majorité
d'entre elles et les plus grandes sont installées au Québec.
Antonine Maillet par exemple publie aux Éditions Leméac
à Montréal bien que ses ouvrages soient tous profondément
enracinés en terre acadienne.
Le modèle québécois ne peut que croire et
se développer dans les minorités alors que pour résister
à l'anglais, on se raccroche à la partie française
la plus dynamique du Canada, c'est-à-dire le Québec.
Cela ne veut pas dire que les Canadiens-français hors Québec
voient d'un bon oeil tout ce qui vient du Québec. Au contraire,
on se méfie et particulièrement de ses vues séparatistes.
Il y a quelques décennies, il n'était pas rare d'entendre
au Québec l'expression "maudits Français "
pour qualifier les citoyens de l'hexagone que l'on envoyait au diable
à cause de leur prétention - en particulier en ce
qui concerne le beau langage. Aujourd'hui, cette expression n'est
plus guère employée, mais en revanche on entend à
l'occasion "maudits Québécois" dans la bouche
des franco-ontariens (qui prétendent désormais au
titre d'Ontarois, correspondant à Québécois,
comme les Fransaskois, francophones de la Saskatchewan). Lorsque
deux francophones s'adressaient en français à Toronto
il y a vingt ans, ils pouvaient se faire dire "speak white"
comme l'auteur de cet exposé l'a réellement entendu13.
Aujourd'hui on leur conseille plutôt de "retourner au
Québec", ce qui est significatif.
On doit encore ajouter qu'à notre époque, moderne,
audiovisuelle et informatique, l'influence des grands-parents est
beaucoup moins sensible que celle des médias ou des hommes
politiques. Dans les minorités par conséquent, le
français traditionnel et familial est peu à peu remplacé
par celui que l'on entend à la télévision où
les personnalités marquantes de la scène politique
sont quasi toutes québécoises. Le Premier Ministre
du Canada, chef du parti libéral, Jean Chrétien, est
Québécois; son successeur annoncé Paul Martin
est député de Montréal; le chef de l'opposition,
également chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe,
est bien entendu Québécois. Ainsi lorsqu'un francophone
d'une minorité entend un homme politique canadien parler
français, il s'agit le plus souvent d'un Québécois.
Ce qui fait que même fédéraliste, il va prendre
de plus en plus les tournures langagières du Québec,
ne gardant comme particularités que quelques expressions
et un accent régional.
2- L'évolution du français québécois
vers le français standard
On a noté au cours de l'histoire contemporaine les courants
dialectiques qui ont marqué l'évolution du français
du Québec. Depuis 1960, la norme n'est plus obligatoirement
le "français de France" comme il l'était
auparavant: on regrettait alors les archaïsmes, les anglicismes
et la plupart des originalités du langage dont seules quelques-unes
trouvaient grâce auprès des censeurs qui les promouvaient
alors comme "canadianismes de bon aloi ".
Avec la Révolution Tranquille des années soixante,
le joual se développa, en particulier dans le roman (le
Cassé) mais surtout au théâtre (les
Belles Soeurs et toutes les premières pièces
de Michel Tremblay). Il fallait sortir de l'état de dépendance
linguistique vis-à-vis de la France, comme on était
en train de le faire de la dépendance financière et
politique anglo-saxonne. Albert Memmi a bien montré dans
son Portrait du colonisé le processus que de son
côté le psychiatre martiniquais Franz Fanon étudiait
pour les Antilles dans Peau noire, masques blancs14.
Il fallait descendre au plus profond de soi pour retrouver son identité
après qu'elle ait été confisquée par
l'extérieur. On écrit mal pour refléter le
mal vivre (Chamberland). Il faut descendre aux Enfers chercher son
Eurydice même si on sait qu'on ne pourra la remonter et qu'il
faudra refaire sa vie autrement (Roch Carrier). On préférera
alors, s'il le faut, un modèle minoritaire extérieur
au modèle dominant de l'intérieur. C'est ainsi que
la négritude de Césaire inspirera Gaston Miron tandis
que Vallières et Gagnon publiaient Nègres blancs
d'Amérique.
Le contact avec la francophonie va produire un double courant de
renforcement de sa personnalité et de retour au français.
Une fois qu'on a écrit au Québec pour se retrouver,
on veut communiquer avec les autres et on a conscience que le joual
enferme (cf. le Joual de Troie de Jean Marcel, Éd.
du Jour, 1973). Cette constatation avait déjà été
faite dans le domaine de l'éducation par le Frère
Untel15.
"Cette absence de langue qu'est le joual est un cas de notre
inexistence, à nous, les Canadiens français"
disait-il lorsqu'il s'évertuait à faire comprendre
que si l'on veut " peinturer " une grange, un morceau
de bois ou un chiffon trempé dans la chaux peut suffire tandis
que "pour peindre la Joconde il faut se doter d'instruments
plus fins".
Mais c'est surtout le contact avec la France retrouvée dans
la francophonie (les accords de coopération franco-québécois
ont été signés après la visite du général
de Gaulle) et les rencontres avec les Francophones des autres pays
dans les réunions de l'AUPELF, de l'Association des journalistes
de langue française, des conférences des ministres
etc. qui permettent aux Québécois de se rendre compte
qu'on peut être Francophone sans être Français,
et qu'il est important de développer une langue de communication
à l'échelle de la francophonie.
Le rôle de la presse et des médias et les échanges
entre les pays de langue française furent déterminants.
Le Québec accédait à la francophonie en même
temps qu'il accédait à la modernité. Il pouvait
alors retrouver la France avec un nouveau regard et se redéfinir
plus justement face à elle.
3- Le français québécois
C'est ainsi que peu à peu on se mit à parler de "français
québécois" au moment où un groupe de l'AUPELF
procédait à l'inventaire des particularités
lexicales du français en Afrique noire (Projet IFA de 1975
à 1982)16;
En même temps les dictionnaires français s'ouvraient
à des belgicismes, helvétismes et canadianismes. L'année
1983 marque en cela un changement important comme on peut le constater
en comparant les éditions successives des dictionnaires Larousse,
Robert, Bordas et Quillet-F1ammarion. On sait la francophonie en
retard dans ce domaine. L'Académie royale d'Espagne publiait
dès 1871 un dictionnaire qui faisait place aux créations
lexicales et aux variations sémantiques des régions
hispanophones. Pour la France, seul a compté jusqu'en 1980,
un siècle plus tard, le sens hexagonal du mot français.
Cette situation paradoxale – la France se voulant chef de
file d'une communauté égalitaire et ne retenant pas
les besoins langagiers de chacun – n'a pas manqué de
conséquences sur le Québec. Il a fallu qu'il fasse
sa propre expérience et s'impose pratiquement à la
France par sa puissance économique et politique.
Aujourd'hui, par ses exagérations mêmes, le Dictionnaire
du français plus, très généreux et ne
faisant aucune différence entre les mots du français
standard et les mots uniquement québécois, le Dictionnaire
québécois d'aujourd'hui publié hâtivement
par Robert et qu'on a dû reprendre17,
le Québec a fait preuve utile à la francophonie. Il
a montré la nécessité de publier dans les meilleurs
délais un Dictionnaire pan-francophone qui permettrait
d'avoir accès non seulement aux mots de France, mais ceux
de toutes les régions francophones (au moins les principaux)
intégrés à ceux du français standard.
Espérons que la maison Hachette mène à bien
l'entreprise qu'elle a commencée après que Larousse
et d'autres l'aient provisoirement abandonné, se contentant
d'insérer en général en fin d'ouvrage des annexes
concernant les particularismes lexicaux qui semblent les plus évidents
pays par pays.
La personnalité québécoise ne se limite pas
au lexique. Elle touche tous les aspects de la langue dont le Québécois
a surtout une connaissance globale. Fait étonnant, pendant
des années, la majorité des Québécois
pensaient qu'ils parlaient mal. En 1993, un sondage effectué
par l'Université de Sherbrooke – et commenté
par Pierre Martel et Hélène Cajolet Laganière
– aboutissait à des conclusions tout à fait
différentes. La grande majorité, soit 90% des personnes
interrogées, sont d'avis qu'elles "écrivent très
bien", "assez bien" et sans faire trop de fautes
en français. Leur perception est tout aussi positive en ce
qui a trait à la langue orale"18.
Ce sondage confirme l'enquête de la Presse de 1989. Soixante-seize
pour cent des étudiants interrogés affirmaient alors
qu'ils écrivaient" assez bien " le français,
et 13% "très bien" (la Presse, 20 mars 1989). La
plupart étaient toutefois conscients de leurs faiblesses
en grammaire et en orthographe.
"Pour assurer sa survie, une langue de qualité est
aussi importante que son statut. En effet, l'existence d'une langue
ne peut-être préservée uniquement par des lois;
son maintien et son développement dépendent du dynamisme
de la communauté qui la parle. Son épanouissement
repose sur l'essor économique, politique, culturel et national
de la société qui s'exprime au moyen de cette langue
".
Cette constatation de Pierre Martel et Hélène Cajolet-Laganière
dans le livre cité plus haut est importante. Ils ajoutent
d'ailleurs, rejoignant la francophonie. "Cette langue aura"
d'autant plus d'attrait qu'elle sera universelle et utile pour le
développement individuel et collectif ". Et ils en arrivent
à la conclusion que la qualité s'est améliorée
bien que ce ne soit pas toujours suffisant partout au Québec
tant pour le français écrit que pour l'oral. "Nous
ne concluons ni à la catastrophe ni à la satisfaction
complète" (p. 154). Le Québec aura donc besoin
d'être vigilant et d'accompagner par des actes législatifs
la volonté des Québécois de "vivre en
français".
4- L'influence du français québécois dans
l'espace francophone
La France a été la première à réagir
à cette affirmation linguistique du Québec. Désolée
de la mauvaise qualité qu'elle se plaisait à relever
autrefois, elle s'est réjouie des différentes lois
québécoises destinées à redresser la
situation vis-à-vis de l'anglais. Elle a dû prendre
conscience de la nécessité pour elle-même d'ajuster
son vocabulaire pour tenir compte des québécismes
d'une part, mais surtout pour s'enrichir des néologismes
technologiques.
L'Office de la langue française créé en 1961
au Québec avait entrepris dès sa fondation de publier
des lexiques techniques dans les principaux domaines de l'activité
professionnelle. On sait, par exemple, le succès de l'industrie
hydro-électrique québécoise, entreprise nationalisée
qui réalisa des barrages sur le Manicouagan et la rivière
la Grande près de la baie James. Pour ne pas utiliser le
vocabulaire anglosaxon, du reste insuffisant, il fallut inventer
des mots. L'électricité de France les reprit; elle
utilise aujourd'hui avec bonheur des termes québécois
tel fameux "harnachement" d'une rivière qui désigne
sa domestication aux fins de production d'électricité.
La France est accueillante aux anglicismes en raison d'un certain
snobisme contemporain. La loi Toubon, en 1994, a dû réagir
contre cette attitude de relâchement vis-àvis des mots
et des tournures anglo-saxons. La loi s'inspire du modèle
québécois cité dans le préambule. Il
n'est qu'un point où la France, pour l'instant, a du mal
à suivre le Québec, c'est la féminisation des
termes. Le Secrétaire perpétuel de l'Académie
française, M. Maurice Druon avait fait savoir son désagrément
lorsqu'en 1994 la Belgique décida de féminiser les
termes officiels; le Québec et la Suisse l'avaient fait depuis
de longues années. M. Druon s'indigna devant des expressions
telles que Mme la juge etc... C'est pourtant moins choquant comme
on l'a fait remarquer que de dire: "le président directeur
général vient d'accoucher".
Les écrivaines et les professeures du Québec arriveront-elles
à persuader leurs homologues françaises? Il faudra
encore un peu de temps sans doute.
En ce qui concerne les autres pays de la Francophonie, l'attitude
québécoise a fait tache d'huile. Elle a permis à
beaucoup de pays, africains entre autres, d'oser affirmer leurs
différences linguistiques. La chanson y a certainement été
pour quelque chose. On ose aujourd'hui "berberiser", "sénégaliser"
pour faire plus "qu'africaniser". La chanson québécoise
des Leclerc, Vigneault et Charlebois et plus encore la chanson rock
a prouvé que l'anglais n'était pas la seule langue
des rythmes modernes. Les Québécois ont été
les entraîneurs de la chanson francophone. Le Festival d'été
de Québec qui a poursuivi l'initiative de la " Super
franco-fête " de 1974 a été imité
par d'autres festivals (le "printemps" de Bourges, les
"francofolies" de Larochelle... qui témoignent
à leur tour que la chanson francophone est rentable).
Conclusion
Les limites de cet exposé ne nous permettent que d'aborder
à grands traits les rapports du Canada et de la francophonie,
les influences réciproques et les interférences entre
le français du Québec et le monde francophone.
On aura retenu au moins que le Québec, complexe et original,
ne peut se passer de la francophonie et en retour que le monde francophone
s'enrichit beaucoup de la présence du Québec et du
Canada. Au niveau de la langue, l'évolution du Québec
a joué un rôle déterminant pour faire bouger
le français, en France et ailleurs. Sans le Québec,
la Francophonie se limiterait essentiellement à des échanges
franco-africains qui, étant donné les rapports d'ex-colonisateurs
à ex-colonisés, auraient été très
difficiles et beaucoup moins fructueux.
"La majorité des francophones n'est plus française
" rappelait avec à propos M. Jean-Louis Roy, secrétaire
général de l'Agence de Coopération culturelle
et technique (ACCT) dans son livre la Francophonie - Le projet
communautaire19
". Cela a été vécu par certains Français
comme dramatique au fur et à mesure que le français
perdait de son poids sur la scène internationale. On se rend
compte aujourd'hui que c'est positif. Le Québec et le Canada
ont souvent relevé le flambeau; ils le font de plus en plus
sur la scène internationale dans le cadre de la Francophonie
et même au dehors. Le fait que la littérature française
soit considérée désormais au Québec
- au moins pour la contemporaine - comme une littérature
étrangère doit être senti comme important: c'est
la preuve que le Québec a accédé à un
niveau de langue et de littérature tel qu'il peut se tenir
debout seul. Robert Charbonneau dressait dès 1947 le constat
de l'écart qui séparait désormais le Québec
de la France. Mais c'est dans la volonté de participer activement
au développement de la francophonie que les Québécois
peuvent reprendre maintenant le titre d'un de ses livres La
France et nous20.
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À CONSULTER
En plus des ouvrages cités en notes, on pourra consulter
L'Année francophone internationale depuis 1992.
ALLAIRE, Gratien, La Francophonie canadienne: portraits, Sudbury/Québec,
Prise de parole/CIDEF-AFI, 2001 (rééd.), 222 p.
BÉLANGER, Henri, Place à l'homme. Éloge
du français québécois, Montréal,
HMH, 1972, 254 p.
CHAUPRADE, Aymeric, L'espace économique francophone,
préf. de Steve Gentili, Paris, Ellipses, 1996, 154 p.
CORBEIL, Jean-Claude, " Comment orienter l'usage d'une langue
" in La linguistica aplicata, cicle de conferencies,
Universitad de Barcelona, 1990, p. 79-85.
DION Robert, LÜSEBRINK Hans-Jürgen et János RIESZ
(dir.), Écrire en langue étrangère : interférences
de langues et de cultures dans le monde francophone, Québec,
Nota bene, coll. Les cahiers du Centre de recherche en littérature
québécoise, n° 28, 2002, 566 p.
DUMONT, Pierre, L'Interculturel dans l'espace francophone,
Paris-Montréal, L'Harmattan, 2001, 209 p.
EL TIBI Zeina, Le Québec, l’Amérique en
français, Paris, ID Livre coll. Esquilles, 2002, 207
p.
GENDRON, Jean-Denis, "La norme et les critères de
normalisation du langage au Canada" in Zeitschrift der
Gesellschaftfür Kanada Studien, Verlag, Neumünster,
Jahragang, n°2, 4, p. 5-24.
MAURAIS, Jacques, "Le rôle de la langue dans l'identité
québécoise", in Cahiers francophones d'Europe
centre-orientale, PécsNienne, n°1, 1991, p. 15-28.
MENEY, Lionel, Dictionnaire québécois-français,
Montréal, Guérin, 1999, 960 p.
MIDIOHOUAN, Guy Ossito, Du bon usage de la francophonie,
Porto Novo (Bénin), éd. CNPMS, 1994, 230 p.
PLOURDE, Michel, La politique linguistique du Québec,
1977-1987, Québec, IQRC, 1988, 144 p.
REY, Alain (dir.), Dictionnaire historique de la langue française,
Paris, Dictionnaires Le Robert, 1992, 2 vol.; vol. 1 : p. 1-1156;
vol. 2 : p. 1157-2383.
VILLERS, Marie-Éva de, Multidictionnaire de la langue
française, Montréal, Québec-Amérique,
2001, version électronique.
WALTER, Henriette, L'Aventure des mots français venus
d'ailleurs, Paris, Robert Laffont, 1998, 345 p.
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Notes
1Ainsi appelait-ton AUPELF, l'Association
des universités partiellement ou entièrement de langue
française, qui est devenue l’AUF, l’Agence universitaire
de la Francophonie.
2 La formule "qui ont en
commun l'usage du français" a été modifiée
à la suggestion de M. Maurice Druon, Secrétaire perpétuel
de l'Académie française lors du 5ème Sommet
de la Francophonie à Maurice (16 au 18 octobre 1993). On
parle désormais dans la terminologie officielle de "Conférence
des chefs d'État et de gouvernement des pays ayant le français
en partage". On notera à l'occasion que si État
s'écrit avec une majuscule, gouvernement l'est de nouveau
avec une minuscule contrairement à l'usage qui s'était
établi avec le 2e Sommet de Québec en 1987
afin que les partenaires soient sur un pied d'égalité,
chefs d'État ou chefs de gouvernement à l'intérieur
d'un État: il s'agit en fait du chef du gouvernement du Québec
et de celui du Nouveau-Brunswick, deux provinces dites "francophones"
du Canada qui siègent de plein droit puisque, selon la constitution
canadienne, les provinces sont souveraines en plusieurs domaines
dont l'éducation et la culture.
3 Cf. L'Année francophone
internationale, éd. 2004, Au lecteur, p. 8.
4 On consultera sur ce sujet
le chapitre consacré au Commonwealth dans l'ouvrage de Michel
Tétu, la Francophonie, histoire, problématique,
perspectives, préface de L. S. Senghor, Montréal,
Paris, Guérin littérature/Hachette, 1987-1988; 3e
édition, Montréal, Guérin universitaire, 1992,
428 p. cf. chapitre 12. "Francophonie, Commonwealth: les différences",
p. 255 à 269.
5 L'ancienne URSS comptait 22,400.00km2,
mais depuis son éclatement, on sait que plusieurs républiques
ont refusé de s'unir à la Russie pour former une nouvelle
fédération.
6 L'Algérie a refusé
jusqu'ici de participer à la Francophonie, pour des raisons
politiques. La France a beau être son partenaire privilégié
(client et fournisseur), elle reste aux yeux du gouvernement algérien
l'ancienne puissance coloniale dont il a fallu se débarrasser
par la guerre. Le français reste extrêmement important
même si on prône officiellement la langue et la culture
arabes. L'Algérie toutefois se rapproche de plus en plus
de la Francophonie depuis le Sommet de Beyrouth (2002) auquel elle
a assisté. Elle assistera au prochain Sommet de Ouagadougou.
7 Selon les données les
plus récentes, alors que le tableau comparatif des provinces
canadiennes remonte au dernier recensement officiel de 1996, ce
qui explique la différence des chiffres.
8 Le G8 comprend les États-Unis,
la France, l'Angleterre, l'Allemagne, l'Italie, le Canada, le Japon
et la Russie. Participe généralement aux sommets de
ces pays, le président de la Commission européenne
(et parfois le Secrétaire général de l'ONU).
9 Pour un tableau plus complet
de tous les pays francophones, se reporter à la carte couleur
insérée dans l'Année francophone internationale.
10 On peut en juger par le
préambule de la constitution de l'Union française:
" l'Union française est composée de nations et
de peuples qui mettent en commun ou coordonnent leurs ressources
ou leurs efforts pour développer leur civilisation respective,
accroître leur bien-être et assurer leur sécurité.
Fidèle à sa mission traditionnelle, la France entend
conduire les peuples dont elle a pris la charge, à la liberté
de s'administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement
leurs propres affaires ".
11 Je me dois de mentionner
encore une fois l'étude magistrale de Lothar Wolf Französische
Sprache in Kanada, Munchen, Verlag Ernst Vôgel, 1987,
418 p.
12 Le terme de cajun (anglais)
ou cadjun ou encore cadjin utilisé parfois en français
est fautif. Il faut écrire cadien provenant de la déformation
en Louisiane, après la déportation des Acadiens (1755):
l'Acadie est devenue la Cadie et donc les Acadiens des Cadiens.
Quant à l'Acadie, elle a suivi pendant longtemps un parcours
parallèle à celui du Québec. Aujourd'hui, malgré
son renouveau et à cause de sa faible population, elle est
passablement influencée par le Québec.
13 Une mauvaise blague voulait
même que s'il y avait des noirs aux États-Unis et des
francophones au Canada, c'est que comme toujours les Étatsuniens
avaient eu le 1er choix.
14 Jacques RENAUD, Le
Cassé, Montréal, Parti pris, 1965.
Michel TREMBLAY, Les Belles-Soeurs, Montréal, Éd.
Léméac, 1968.
Albert MEMMI, Portrait du colonisé, préface
de Jean-Paul Sartre, Paris, Coréa, 1957. (Une édition
subséquente avec un chapitre consacré au Québec
paraîtra à Montréal en 1973 aux Éditions
de l'Étincelle).
15 Les Insolences du frère
Untel, Montréal, les Éditions de l'homme, 1960.
Le plus gros succès de librairie des débuts de la
"Révolution tranquille".
16 Inventaire des particularités
lexicales du français en Afrique noire, Montréal,
Paris, AUPELF/ACCT, 1983, 552 p.
17 Dictionnaire du français
plus, Montréal, Centre éducatif et culturel 1988,
1856 p. Le Robert. Dictionnaire québécois d'aujourd'hui,
Paris/Montréal, Dictionnaires Le Robert/ MicroRobert Inc.,
1992. Nouvelle édition 1993.
18 Hélène CAJOLET-LAGANIÈRE,
Pierre MARTEL, La Qualité de la langue au Québec,
Québec, Institut québécois de recherche sur
la culture, 1995, p. 31.
19 Jean-Louis ROY, La
francophonie. Le projet communautaire, Montréal, HMH,
1993.
20 Robert CHARBONNEAU, La
France et nous, Montréal, Éditions de l'Arbre,
1947.
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