Ne parlons surtout pas de soumission ici… Il s’agit d’un cauchemar qui ressemble étrangement à cette enfance perdue dans une forêt peuplée de monstres… Et ces monstres sont humains. Allez-y voir. Jamais je n’ai ressenti autant de meurtres latents derrière tant d’amour. En tout cas, c’est beaucoup moins sécurisant que ce qu’on appelle communément la poésie du Québec. Ça nous rappelle quand même certaines affreusetés bien de chez nous… Bonheur du ciel, l’idée de l’enfant libérateur est au moins sauvegardée, l’innocence et non la malhabilité. J’aime les écritures de Saint-John Kauss parce que sa douceur et sa vengeance demeurent sosies. Together. Ces rêves-la ne mourront jamais, comme l’affirma John Lennon.
Ayant rencontré le grand Christophe Charles, universellement considéré comme l’un des plus importants poètes haïtiens vivants et sans doute un des meilleurs poètes de sa génération, à l’hôpital psychiatrique Notre-Dame de Montréal où je fus interné faute d’autres moyens de me sortir de mes malaises artaudiens, j’eus la chance de recevoir ses émanances bénéfiques en solidaire présence de ce cher Kauss frisant la science et le génie. J’ajoute aussi qu’André Breton avait raison de proclamer qu’on ne devrait jamais douter de la valeur des poètes d’Haïti. Il est bien déplorable que l’on se fasse brûler en Haïti (les victimes ne manquent pas, lire les journaux). Nous n’avons pas nos Gonaïves; nous ne connaissons pas les nuits secrètes de Port-au-Prince et les gentilles tueries dépassant parfois celles de la Gestapo… Tout cela ne m’empêche toujours pas de détester à l’os Fort-Dimanche et les sous-off de leur système.
Nous n’avons parlé, Christophe Charles, Saint-John Kauss et moi, lors de notre rencontre hospitalière de rien d’autre que de poésie ou proésie. Dom Helder Camara, surnommé l’évêque rouge de Recife, et Romero son camarade auraient tellement ri de nous voir palabrer autour de nos chagrins et pitiés. Que faire contre les Toutous-Mammouths, les Tontons-Macoutes et les Croco-Magnats? L’un part, d’autres le remplacent. Et cela se perpétue. Dans ces conditions, tout gouvernement devient par le fait même un abus de pouvoir. Voilà pourquoi j’éprouve tant de plaisir à dire «mort à la vacherie» des enfers institutionnalisés. Donc, saluons particulièrement l’amour et le courage sans défaillance d’Aimé Césaire, de Frantz Fanon, de Pauline Julien et même de certains inoubliables assassinés, pour que justice advienne. La liberté est une île où le désir aura toujours droit de naître.
Gilbert Langevin
Révélationnaire
Montréal, 20 août 1987
POST-SCRIPTUM
Lectrices et lecteurs auront remarqué que je n’ai fait aucune citation de l’ouvrage ci-haut cité. Cela est volontaire. En voici la raison: le livre de Saint- John Kauss s’avère d’une telle générosité qu’il réclame une lecture sans aucune barrière critique. Qu’enfin les barrières éclatent et que l’on puisse se faire une idée sans préjugés, loin de toute mièvrerie critique!
Saint John KAUSS
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