Autour de «Chants d'homme pour les nuits d'ombre»

par Adyjeangardy

Texte dit par Adyjeangardy, Radio Nationale (Activité culturelle), 1979.
 

(…) Chants d’homme pour les nuits d’ombre est le dernier cahier de poèmes haïtiens paru ce week-end aux éditions Choucoune de Christophe Charles.

Qui est Saint-John Kauss? Il est des noms qui sonnent comme des manifestes, des noms-marteaux qui soulèvent des interrogations. Saint-John Kauss rappelle apparemment un autre auteur des Antilles: Saint-John Perse. Ce n’est pas seulement une affaire de prénom, c’est surtout une affaire d’écriture. Cette écriture traîne après elle des images de bonne référence, des images qui remontent à Édouard J. Maunick de l’île Maurice et Gérard Delisle de la Guadeloupe.

L’écriture de Saint-John Kauss préconise une sorte de ramassage des formes pour un réel enracinement dans le lyrisme et la douceur des mots. On n’est pas ici en présence d’une poésie folklorique ou d’une poésie perdue dans l’idéologie sociale, mais une poésie qui ne manque pas de profondeur. Si «Chants d’ombre» nous fait venir à la tête le nom de Senghor, «Chants d’homme pour les nuitsd’ombre» ne doit rien à Senghor mais tout à son auteur qui ne croit vraiment qu’aux mots.

La première partie de l’ouvrage s’appelle d’ailleurs «Autour des mots». Dans cette partie, Saint-John Kauss cherche à inventer son propre langage et semble chercher, par surcroît, quelque chose d’essentiel, quelque chose d’indicible. L’expression est faite ainsi de cet audace verbal qui ne permet à personne de détourner les mots de leur sens, de les limiter, de les encadrer ou encore de les retirer de leur contexte. Les mots auxquels Mallarmé voulait donner un sens plus pur, le poète veut, paraît-il, les faire remonter aux sources du réel. Dans ce recueil, Saint-John Kauss emploie ainsi de belles images comme:

«Nous écoutons le vent qui baille à deux battants»  

«Nous devons écarteler le temps à coups de hache»

Des poèmes comme: «Je chante à deux voix», «Mémoire», «Crève-cœur» et «Scènes» s’assument fondamentalement. La deuxième partie de «Chants d’homme pour les nuits d’ombre» pourrait être aussi le titre du recueil. Fragments d’une nuit résume en quelque sorte toutes les démarches du poète pour une littérature tout à fait personnelle. Le côté impersonnel transpire dans le sens des phrases qui tournent presque toutes autour du «je» et du «moi» de Saint-John Kauss:

«Que ma voix circule dans la nuit des poètes»

«Que ma voix fleurisse d’arcs-en-ciel et de lunes»

Ce côté romantique de l’ego serait pourtant à rejeter dans le prochain texte de Saint-John Kauss. Il est pourtant dans la bonne ligne de la poésie moderne. Il lui reste à travailler son art et à grandir. Il y a lieu de prendre au sérieux Saint-John Kauss. Il n’emploie aucune dialectique pour imposer ses rêves. Il n’en touche pas non plus la platitude. Il est sans doute de cette nouvelle génération d’acteurs, de comédiens, d’écrivains, de cette nouvelle génération de jeunes qui ne jouent qu’avec les mots pour mieux effacer les nuits d’ombre. Si vous les rencontrez, et bien, apprenez à bien les saluer. Car avec eux, le jour se lève, le jour se lève vraiment sans entraves.

Note :

1- Saint-John Kauss: Chants d’homme pour les nuits d’ombre, Éditions Choucoune, Port-au-Prince, mai 1979

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Saint John KAUSS

 

 
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