Ayiti

Combien faut-il de fleurs pour un printemps!

Jean Erich René
 

Bixa orellana
Woukou, Bixa orellana. photo F.P.

Nous devons cesser de rêver et mettre nos pieds sur terre afin de constater le vide de la campagne électorale qui doit conduire les Haïtiens et les Haïtiennes aux urnes en automne prochain. A cinq mois des élections, aucun candidat ne domine la scène politique. Personne ne peut prévoir le sens du scrutin. Ce manque de visibilité constitue un risque dangereux pour les électeurs. En une telle occurrence nous pouvons déboucher sur n'importe quoi. Le nombre de candidats n'est pas acceptable. "Et s'il n'en reste qu'un l'année prochaine on verra qui" prophétisait Nostradamus Mais il y en a encore 67 dit-on. Les papillons de la St Jean paradent encore autour du fauteuil présidentiel en ce mois de Juin. Il nous faut arriver à un faisceau d'idées plus cohérentes.

L'Extrême Droite haïtienne est pratiquement KO. La politique n'est pas l'affaire de la Bourgeoisie haïtienne. En dépit des discours truffés de mensonges que diffusent certains leaders de la Classe moyenne à travers leurs programmes politiques, les électeurs restent indifférents. D'ailleurs quelle est la différence fondamentale entre le RDNP et le MIDH? Au fur et à mesure qu'on publie les programmes politiques on constate que c'est le même potage qui nous est servi avec une différence d'arôme. Les Partis Politiques traditionnels devraient indubitablement se tasser sous la même bannière afin d'éviter l'effet papillon et la risée de la Communauté Internationale qui en a pratiquement marre du comportement mesquin de nos soi-disant leaders.

Sur le plan idéologique si Leslie François St Roc Manigat au moins se dit Louverturien mais les autres n'y sont pour rien. Certains Partis Politiques sont même coiffés par des vauriens. A quelles enseignes sont-ils logés?

Quels sont les courants historiques qui les ont enfantés? Quelles sont les racines socialistes réelles de la fusion Panpra, Konakom, Ayiti Kapab? L'image de certains leaders de gauche n'est pas rassurante et fragilise le Bloc. Peut-on toujours continuer à animer la scène politique avec les mêmes cantiques des cantiques obsolètes: Pitit Sô Yèt, Fè Koupe Fè, Roch lan dlo, Roch lan soleil, Noiriste etc... Des slogans politiques qui expriment clairement l'étroitesse d'esprit et la petitesse de leurs promoteurs qui ont grandement contribué à créer ce ghetto politique.

Dans ce concert de casseroles et de débris métalliques de toutes sortes prime le décibel de la ferraille la plus sonore. La cacophonie de la scène politique haïtienne est principalement due à ce mélange détonnant d'éléments disparates, sans aucune valeur marchande. Quelle que soit la diète alimentaire imposée aux lions et aux loups, ils ne seront jamais végétariens. On ne peut pas éduquer un éléphant au point de l'inviter à pénétrer dans un magasin de cristal, au nom de la démocratie. Il ne faut pas commettre le péché de naïveté en abordant les prochaines élections dans une atmosphère de violence tisonnée, selon toute apparence, par une main étrangère. On a créé cette situation lamentable avant de nous imposer l'inacceptable. Le mal n'est pas bénin et notre laisser-faire n'est pas non plus anodin.

De l'avis de certains médecins il y a une étroite corrélation entre la fréquence de l'ACV ou Accident Cérébro-Vasculaire qui affecte actuellement la majorité de la population haïtienne et le niveau de stress causé par l'insécurité. Tout le monde a peur! Le peuple haïtien se meurt! Dans cette Tour de Babel la voix des anarchistes prime.

Combien de kidnapping faudra-t-il pour une intervention majeure et en règle contre les assassins? Combien de commissions de l'OEA et de l'ONU faut-il pour que les protagonistes retrouvent la voie de la réconciliation? Combien de débarquements les Troupes Etrangères vont-elles effectuer pour arriver à un climat d'apaisement? Les élections vont-elles apporter la solution? Combien faut-il de fleurs pour un printemps politique en Haïti?

Jean Erich René
juin 2005