Ayiti

La facture occidentale

Jean Erich René
 

ONU

 

La dynamique politique haïtienne est actionnée par des conflits tout aussi bien internes qu’externes. Le poids des facteurs transnationaux est déterminant dans la balance des décisions politiques haïtiennes selon la thèse du Docteur Sauveur Pierre Etienne. L’Etat haïtien est opaque. Il y a un mystère qui entoure ses initiatives. En effet, le Gouvernement intérimaire n’a aucune feuille de route sinon que les impertinentes dictées de l’Occident. Les problèmes de fond ne sont pas explorés par nos hommes politiques qui obéissent servilement à la Communauté Internationale.

Le pouvoir n’est pas dissociable en Haïti. Même au niveau de l’imaginaire on sent le poids de l’intervention étrangère. On attend toujours les décisions de la métropole même quand les structures ne sont pas sur place. Ce bovarysme politique ne date pas d’aujourd’hui. Toussaint voulait créer un Etat Français. Henri Christophe optait pour une collaboration intelligente avec l’Angleterre. John Adams proposait un triple protectorat: français, anglais et américain. Seul Dessalines rêvait d’une nation. En 2005 la présence étrangère est encore claire et évidente.

Selon Max Weber les contextes comportent des contraintes mais laissent aussi des perspectives.. Les acteurs peuvent agir en prenant des décisions.

Quelles sont les décisions prises par le Gouvernement Alexandre/Latortue pour redresser la barque en péril? Aucune! Ne pas prendre de décision c’est encore en prendre secrètement une qui peut-être n’est pas souhaitable ni favorable. Le pays est à la dérive. Même le Conseil des Sages garde ses distances par rapport au nouveau cabinet ministériel. Les données politiques nationales sont complètement perturbées sous le poids des rapports transnationaux. Avec les flux d’investissement les rapports entre l’Etat post-colonial et le système capitaliste ont changé. L’Etat est une sphère d’action. Il peut y avoir divergence ou convergence. D’où la source évidente de certains conflits d’ordre interne et externe. En intégrant ces deux dimensions on peut avoir une idée des rivalités qui expliquent la construction, la consolidation et la destruction de l’Etat-Nation d’Haïti.

Nous avons fait un triste constat: la violence est présente sur tout le parcours de notre histoire et semble même en devenir la règle. Dr Sauveur Pierre Etienne a relevé deux types d’Etat en Haïti:

  • l’état néo-patrimonial dominé par l’arbitraire, l’autoritarisme, le traditionalisme.
  • l’état néo-sultaniste caractérisé par le modernisme. Avec le sultanisme le pouvoir se meut dans la paix.

Il faut faire preuve de probité intellectuelle, sous le Gouvernement de Jean Claude Duvalier, il y a eu une tentative de modernisation du pays. Après la chute de Jean Claude Duvalier on a assisté à la transformation de l’Etat néo-sultaniste en Etat néo-patrimonial. D’où la naissance d’une crise structurelle. Le renversement de Jean Claude Duvalier en 1986 ne cautionne pas seulement la chute d’un Gouvernement mais la disparition de l’Etat néo-sultaniste. Aussi a-t-il entraîné sur sa trajectoire la démobilisation de l’Armée, une croissance négative de notre économie, une déliquescence de nos mœurs et la décrépitude de notre société. Il ne s’agit pas de fantasmer les faits sociaux parlent plus haut que les discours mensongers.

Sous Duvalier il y avait une paix de cimetière, une paix des tombeaux mais paix quand même, car les vivants pouvaient plus ou moins dormir et circuler. Notre économie fonctionnait. “Si j’avais à choisir entre le régime anarcho-populiste de Jean Bertrand Aristide et le régime de Jean Claude Duvalier j’aurais opté pour Duvalier” a déclaré le Docteur Sauveur Pierre Etienne au cours de son exposé.

L’Etat haïtien ne s’est jamais intéressé aux citoyens. Il y a beaucoup de nos compatriotes qui naissent, grandissent et meurent à l’insu de l’Etat haïtien. Leurs noms ne sont inscrits dans aucun registre officiel. Le problème le plus crucial c’est la faim qui coupe leurs tripes dans l’indifférence de nos élites politiques. L’alimentation n’est pas une idée mais un besoin primaire. Il faut d’abord savoir comment nourrir son peuple, conseille Max Weber. Le problème de “La tragédie du Roi Christophe” de Aimé Césaire vise la construction de l’Etat. Il ne suffit pas de conquérir la liberté mais l’essentiel c’est de savoir ce qu’on va en faire. Il ne s’agit pas de changer de Ministres mais il faut avoir des objectifs précis et une feuille de route. Lorsqu’on vogue vers l’inconnu sans aucun tableau de bord on risque de monter sur un récif.

Le flou apparent de la politique actuelle d’Haïti découle du déséquilibre des rapports transnationaux. L’Administration politique haïtienne est placée sur télécommande et n’ose dévoiler au grand jour, sous peine d’un soulèvement général, ses intentions inavouables et inavouées.

On cherche des boucs émissaires que l’on recrute avec facilité dans le camp Lavalas à cause de ses antécédents malheureux. Parmi les prédateurs de la faune marine le requin a bon dos.

On en profite pour exécuter son plan machiavélique en lui faisant payer intégralement les frais collatéraux. De toutes les façons les mondialistes n’entendent nullement cheminer avec les MRE ou Most Repugnant Elite.

On veut exploiter notre aversion contre le régime Lavalas profiter de ce cafouillis pour loger la balle dans le filet. Tandis qu’on accuse Jean Bertrand Aristide de tous les péchés d’Israël on a jugé bon d’introduire un Ministre Lavalas au sein du gouvernement. Curieux paradoxe! C’est une insulte à notre intelligence! La facture occidentale est très coûteuse et risque de ruiner l’Etat Nation.

Caveant consules!

Jean Erich René
Juin 2005