Maurice Bricault, Contes créoles illustrés,
Textes bilingues créoles-français, Paris, Agence de Coopération
Culturelle et Technique, 1976, 75 p.

Conte de la Guyane

Oreille
Photo F.P.

Maringwin ké zorè

Cric ?
Crac !

Maringwin té ka rété wòt bò di oùn pripri. So fanm té malad. Zorè vini randé yé zizit.

— Souplè, Zorè, di Maringwin, to pa lé randé mo oùn servis ?

— Couman donc, vwazin ! Mo a to dispozisyon...

— Mo fanm, malad. Mo pa pouvé lésé li oùn so. Rivé a chinwa a, pran oùn bòk tafya pou mo, souplé !

— Volontyé, di Zorè.

Maringwin bay Zorè oùn boutey ké oùn biyé san fran. Zorè pati.

— Mo ka routournin tout suit, vwazin !

Zorè rantré a so caz ké chanté.

— Fanm, nou rich ! Gadé gro biyé san fran mo poté bay to a !

— Coté to pran sa ? Coté to pran sa, Zorè ?

— A pa Mouché Maringwin qui lé pran mo fè so piti bònòm! Li ka voyé mo fè so comisyon. A mo laj! To crè mo divet fè comisyon? Dé féyan ya, yé tronpé yé di moùn!

— Mé, di Madam Zorè, li ké vini sasé so soumaké !

— Pa pè fanm ! Mo ké pran mo précosyon.

Sa pa tardé, ùn-oer, deuz-oer, lannuit rivé.

— Pa, di Zorè, a té oùn sel biyé san fran Madam Maringwin té ka rété. Ti moùn ya té fin.

— Wòm, di Madam Maringwin, fo pa lésé sa pasé con sa.

Alé trouvé Zorè, fè li randé to to san fran. Landimin, Zorè pa pèdi tan; i alé trouvé lanmin.

— Lanmin ! Es to lé randé mo oùn servis ? To savé oùn
lanmin lavé wòt.

— Oui donc, coleg. Mo a to dispozisyon.

— A pa gran qui choz ! Dipi wòt jou, Maringwin a mo cò. Mo pa savé sa li wè asou mo. Sa zanmi ya, mo ka méfyé mo di yé!

— Alor, di Lanmin, a qui sa mo pouvé fè pou to ?

— Chaq fwa to ké tandé li ka vini deryè mo, pa ménajé li.
Bay li moso cou pou li pouvé lésé mo tranquil.

Maringwin rivé òbò Zorè.

— Ay ! Zorè, pou lanmou di Djé, randé mo mo san fran.

So bouch pa té cò fronmin, ou tandé « baw » bòr isi, « baw » bò la. Si Maringwin pa té savé fè oùn nika, i té crazé. Li chanjé di bò.

— Zorè, pou lanmou !...

Li pa guin tan achouvé. Li rousouwè oùn do lanmin qui jité-l lwin la ba. A qué mizè li volé pou rivé a so caz !

— Fanm ! di Maringwin, an nou abandoné san fran bay Zorè. Li ranjé ké lanmin pou asasiné mo.

A dipi jou a, lò Maringwin ka vini chanté òbò Zorè, Lanmin paré pou tchoué-l.

boule

Le Moustique et l'Oreille

Cric ?... Crac !...

Moustique habitait de l'autre côté d'un marécage. Sa femme était malade. Oreille vint leur rendre visite.

— S'il te plait, Oreille, dit Moustique, veux-tu me rendre un service?

— Comment donc, voisin, je suis à ta disposition!

— Ma femme est malade, je ne peux pas la laisser toute seule. Va chez l'épicier me chercher une bouteille de tafia, s'il te plait!

— Volontiers, dit l'Oreille.

Moustique donna à Oreille une bouteille et un billet de cent francs.

Oreille partit.

— Je reviens tout de suite, voisin !

Oreille rentra à sa maison en chantant.

— Femme, nous sommes riches! Regarde le gros billet de cent francs que je te rapporte!

— Où as-tu pris çà? Où as-tu pris çà, Oreille?

— Ce n'est pas Monsieur Moustique qui me prendra pour son petit garçon! Il m'envoie faire ses courses! A mon âge! Tu crois que je dois faire les commissions? Ces deux fainéants-là, ils se sont trompés de personne!...

— Mais, dit Madame Oreille, il viendra chercher son argent.

— N'aie pas peur, femme, je vais prendre mes précautions.

Ça ne tarda pas: une heure passa, deux heures; la nuit vint.

— Il ne restait qu'un seul billet de cent francs à Madame Moustique, dit Oreille. Les enfants avaient faim.

— Mon homme, dit Madame Moustique, il ne faut pas laisser les choses comme ça. Va trouver Oreille, fais qu'il te rende tes cents francs!

Le lendemain, Oreille ne perdit pas de temps, il alla trouver la Main.

— Main, veux-tu me rendre un service? Tu sais qu'un bienfait n'est jamais perdu!

— Comment donc, collègue! Je suis à ta disposition!

— Ce n'est pas grand chose: depuis l'autre jour, Moustique est après moi, je ne sais pas ce qu'il me veut; ces amis-là, je m'en méfie.

— Alors, dit la Main, qu'est-ce que je peux faire pour toi?

— Chaque fois que tu l'entendras venir derrière moi, ne le ménage pas, donne-lui quelques bons coups pour qu'il me laisse tranquille.

Moustique arriva près de l'Oreille.

— Aie! Oreille, pour l'amour de Dieu, rends-moi mes cents francs.

Sa bouche n'était pas encore fermée que vous entendiez «pif» par ici, «paf» par là! Si Moustique n'avait pas su faire un saut de côté, il était écrasé. Il changea de côté.

— Oreille, pour l'amour...

Il n'eut pas le temps d'achever sa phrase. Il reçut une gifle qui le jeta loin de là. C'est avec peine qu'il arriva chez lui en volant.

— Femme, dit Moustique, abandonnons les cents francs à Oreille. Il s'est entendu avec la Main pour m'assassiner!...

Depuis ce jour, lorsque le Moustique vient chanter près de l'Oreille, la main est prête à le tuer.