Revue des Traditions Populaires.
7e année. Tome VIII. - N°1. Janvier 1893.

CONTES POPULAIRES

Chrysemys scripta elegans
Tortue de Floride, Chrysemys scripta elegans. Photo F.P.

Soucougnangnan ké Tòti1

Soucougnangnan rangé ké Tòti pou allé pêché.
Yé convini qui chaquin oua prenn pôssons di oune jou di pêche.
Promié jou, yé allé, yé pêché, yé prenn oune tas pôssons.
Tòti dit : « Soucou, mô ka gadé sa pêche-la : li pas belle, et pis
pôssons-yé-là maigues. Dimain, to oua prenn dézième pêche-la, to
vlé ? »
Soucougnangnan fai : « Ohô ! sò, kon tô vlé ? »
Lendimain, Tòti dit Soucougnangnan la même chose, et pis li
gadé toutes pôssons pou li oune sô.
Troisième jou, Toti commencé conté sô même conte.
Soucougnangnan bisqué, li toué sô di fé. Toti rété la soucou ké
sô pagnin pôssons là sô tête. Li drivé, drivé, drivé, jouque li entré
landan oune case.
Ouaye malhò ! a té case Tigue !
Toti soupris ; mé li pas pédi la carte. Li dit :
" Bonjou, nonque ; coument ou fika ?
Tigue fait : « Mô bien mossô ; Qi ça to vlé ? »
Toti dit : « Nonque, mé oune pagnin pôssons mô pòté pou ou. Mô
chouési pis bel, pis gras ».
Soucougnangnan, qui té suive Tòti, rélé : « A pas vrai, nonque ; a
rébi li pòté baille ou : cassé sô cou.»
Tigue colè ; li sauté lassou Toti, houap ! li déquarqué li, li mangé
li tout de suite.
Soucougnangan prenn cabosse Tòti, li fait oune canon. Dipis
sa jou-là, li ka péché li oune sô.

Quand dé moune associé, li toujou gangnin oune qui ka foutan
di ouote-là.

  1. L'accent grave sur l'o indique qu'il faut prononcer cette lettre
    très fermée comme dans botte par exemple.

 

Mouche à feu et Tortue1

Mouche à feu s’arrangea avec Tortue pour aller pêcher.
Elles convinrent que chacune prendrait les poissons d’un jour de pêche.
Le premier jour, elles allèrent, elles pêchèrent, elles prirent une quantité de poissons.
Tortue dit : «Moumouche, je garde cette pêche-là: elle n’est pas riche, et puis ces poissons-là sont maigres. Demain, tu prendras la deuxième pêche, veux-tu ?»
Mouche à feu fit : «Heu !.. sœur, comme tu veux.»
Le lendemain, Tortue dit à Mouche à feu la même chose, et puis elle garda tous les poissons sur elle seule.
Le troisième jour, Tortue commença à raconter son même conte.
Mouche à feu se fâcha, elle tua (éteignit) son feu. Tortue resta dans l’obscurité avec son panier de poissons sur la tête. Elle erra, erra, erra, jusqu’à ce qu’elle entra dans une case.
Aïe malheur ! c’était la case du tigre !
Tortue fut saisie; mais elle ne perdit pas la carte. Elle dit :
«Bonjour, oncle comment vous portez-vous ?»
Tigre dit : «Je suis assez bien; qu’est-ce que tu veux ?»
Tortue dit : «Oncle, voici un panier de poissons que j’ai porté pour vous. J’ai choisi les plus beaux, les plus gras.»
Mouche à feu, qui avait suivi Tortue, cria : «Ce n’est pas vrai, oncle; c’est du rebut qu’elle a porté pour vous donner: casser son cou.»
Tigre se mit en colère; il sauta sur Tortue, houap ! il la décarapa ça, il la mangea tout de suite.

Mouche à feu prit la carapace de Tortue, elle en fit un canot.
Depuis ce jour-là, elle pêche toute seule.

Quand deux personnes sont associées, il y a toujours une qui se moque de l’autre.

Georges Haurigot

  1. Je donne ici la traduction littérale, ligne par ligne.