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Variations utopiques de la créolisation:
à propos du choix de quelques colons pour la Guyane
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Sommaire
La palette des recommandations
Les terres basses du gouverneur Laussat
L'Approuague-Kaw
Laussadelphie
Conclusion
Notes
Références bibliographiques
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A certaines époques, les habitants créoles de Guyane
et le pouvoir colonial semblaient avoir une idée bien précise
des conditions de réussite de leurs projets de développement,
en particulier en matière de bon peuplement.
A d'autres époques, on se lançait étrangement
dans des projets plus ou moins improvisés, en ne tenant absolument
pas compte des expériences de colonisation qui venaient à
peine de tourner à la catastrophe ou dont les résultats
se faisaient désespérément attendre. La Guyane
française, terre de peuplement pour la France depuis 1604,
est un terrain d'expérimentation étonnant pour l'administration
coloniale et les habitants créoles qui, dans leur majorité,
ne cessèrent jamais d'encourager les nouvelles tentatives
de développement de la colonie. Il faut dire que la faiblesse
du peuplement résultant de l'immigration car la population
amérindienne autochtone a rapidement été et
fort heureusement écartée du réservoir de main
d'uvre potentielle et celle de l'économie de
plantation dans son ensemble ont toujours constitué un handicap
majeur pour l'implantation d'infrastructures d'envergure qui auraient
pu faciliter les échanges, les cultures et la commercialisation
de certaines productions.
Faute d'obtenir une main d'uvre en nombre
suffisant, les habitants de la Guyane et les responsables de la
colonie se sont penchés très rapidement sur la question
de l'acclimatation des populations candidates au départ
ou proposées par l'administration coloniale. Il semble en
effet que le rôle d'intégration interethnique de la
société d'habitation n'ait jamais été
négligé par les administrateurs coloniaux. Les choix
effectués en Guyane en matière de peuplement, illustrent
ce souci constant de trouver un noyau sûr de population
pour cette colonie (note de l'ambassadeur de Guerchy, de mars
1765). Les réflexions sur la question ne manquent pas, en
particulier après l'échec de la tentative de peuplement
des savanes de Kourou et de Sinnamary par des colons blancs, d'origine
européenne, acadienne et française, entre 1763 et
1765, la fameuse expédition de Kourou1.
Comment ne pas s'étonner alors devant le constat de quelques
échecs retentissants, par exemple sur l'Approuague, à
Kaw ou sur la crique Passoura (Laussadelphie) à Kourou entre
1820 et 1822? Comment ne pas s'étonner du silence qui aura
pesé sur certaines réussites comme celles des Acadiens
à Sinnamary et Iracoubo?
Le réexamen rapide des conditions d'implantation
de quelques communautés rurales en Guyane autour d'un modèle
de paysannerie qui s'articule sur la promotion de petites habitations
est l'occasion de rappeler que Jean Benoist n'a jamais cédé
à la tentation de ramener à un modèle unique,
le système servile, les conditions de structuration de la
société créole. Sa connaissance de l'aire culturelle
caribéenne et ses premières interrogations sur les
isolats (en particulier à partir de l'exemple de Saint-Barthélémy)
l'ont rapidement persuadé qu'il avait toujours existé
des communautés relativement affranchies de la pression des
plantations, même si, en dernière analyse, les résultats
obtenus par celles-ci ont toujours été précaires.
C'est du reste à la lecture des travaux du Centre de recherches
caraïbes de l'Université de Montréal que j'ai
souhaité me rapprocher de Jean Benoist, spécialiste
canadien des sociétés créoles (d'après
mes premiers informateurs et les personnes qui spontanément
ont bien voulu s'intéresser à mes travaux sur le terrain
guyanais et me faciliter la tâche autour de cette question
nouvelle en anthropologie de la Guyane que constituait l'urbanisation),
avec la conviction qu'il fallait absolument réintroduire
la Guyane, jusqu'alors terrain privilégié de la recherche
américaniste (populations amérindiennes) et parfois
africaniste (Maroon societies, sociétés
maronnes; Bush Negroes, Neg nan bois), dans
ce qui me paraissait constituer son aire culturelle
naturelle, les études caribéennes (Caribbean
studies).
Son histoire sociale et culturelle correspondait
parfaitement à ce que Jean Benoist appelait à
propos de l'archipel antillais la multiplication des
itinéraires d'un même cheminement Quelques formules
judicieuses tirées de l'analyse de Jean Benoist de l'évolution
de ces sociétés m'avaient convaincu de l'intérêt
d'un tel rapprochement: le monde créole est né d'un
décentrement initial et fondateur (...) les populations des
sociétés créoles se sont efforcées de
construire pour elles un univers social et culturel qui leur convienne2.
Quelques années plus tard (et à la suite d'un doctorat
en anthropologie préparé à Aix-en-Provence
sous sa direction), je me suis intéressé à
plusieurs cas extrêmes de tentatives de colonisation qui auraient
pu transformer, en cas de succès, la physionomie de l'espace
social polyethnique de la Guyane. Les échecs les plus retentissants
ne semblent avoir jamais calmé les développeurs de
la Guyane. Des projets plus ou moins bien ficelés, le plus
souvent issus de cabinets ministériels, ont succédé
à d'autres projets guère mieux ficelés. Le
littoral de la Guyane française porte toujours la marque
de ces couches successives de peuplement ou, plus exactement, de
ces couches de réaménagements du pluralisme ethnique
avec des groupes encouragés à s'écarter des
zones de colonisation, à s'en rapprocher, contraints à
disparaître, à réapparaître, à
subsister ou à s'éteindre3.
L'histoire sociale du littoral guyanais est avant
tout celle des processus de créolisation, celle de la Guyane
créole. C'est également celle de l'un des membres
de la vaste famille des sociétés créoles. On
sait qu'au travers de plusieurs articles de synthèse, Jean
Benoist s'est attaché à circonscrire le spectre
des variations de cette famille de sociétés
créoles. En associant la Guyane à ces variations,
on retrouve en de multiples occasions la trace de formes utopiques
de la créolisation: par exemple, des colons européens
acclimatés en provenance de Gorée, des métis
américains, asiatiques ou africains. Il s'agit là
d'un terrain méconnu de la recherche sur les processus de
créolisation qui mêle idéologies de la colonisation,
doctrines racialistes, conceptions médicales, hygiénistes
et sanitaires, ambitions personnelles de quelques gouvernants4.
La palette des recommandations
A la suite du désastre de l'expédition
de Kourou, les conseils ne manquent pas en matière de peuplement.
Ainsi, en 1774, M. de Meuron indique à la France la voie
de la raison et lui conseille de faire preuve d'une extrême
prudence: La perte de ses colonies septentrionales exige
qu'elle jette dans les solitudes de la Guyane les germes d'une nombreuse
population; elle ne devra être que graduelle et toujours subordonnée
aux moyens alimentaires que la colonie peut offrir aux nouveaux
immigrants, sans cela on retomberait dans le triste inconvénient
qui fît périr plus de 12 000 âmes en 17635.
On pourrait en revanche s'étonner de constater que, quelques
années plus tard, en 1820, l'on propose la Guyane pour un
projet d'acclimatement des troupes destinées aux Antilles6.
A moins de considérer que des éléments nouveaux
soient apparus du côté antillais pour justifier un
tel séjour, la Guyane est devenu un lieu idéal pour
l'acclimatation (ou l'acclimatement), selon
l'usage fait d'un vocabulaire emprunté aux conceptions biomédicales
et sanitaires de l'époque, qui nous amène à
examiner les cas où il est question de colons et d'habitants
acclimatés et les cas où ces derniers
sont présentés comme créoles.
Ainsi, en 1767, le gouverneur de la Guyane d'origine
acadienne, Louis-Thomas Jacau de Fiedmond, estime qu'il serait nécessaire
de faire appel aux Créoles français de Gorée
(...) bon nombre d'habitants aisés et acclimatés pour
mettre en valeur les terres de cette colonie (et
causerait aux Anglais un tort infini à leur commerce dans
la rivière du Sénégal. L'anglais ne peut supporter
le climat de cette côte (...) la mortalité annuelle
qu'il essuie leur fait rechercher les français ayant été
au service de la Compagnie de France): Le pays plus
convenable pour établir ces familles africaines est la Guyane,
ce climat ne surprendra pas ces nouveaux colons, ils y vivront mieux
que tous les autres qu'on pourrait y transporter7.
La créolité semble bien associée à la
notion de reproduction sur place, comme on peut le constater à
l'usage qui est fait de ce vocabulaire pour désigner les
croisements génétiques des bestiaux de
la partie au vent de la Guyane (les savanes de l'ouest):
L'importation de juments pour avoir des chevaux créoles
et des mulets est une chose qu'on ne devrait pas perdre de vue8.
Dans l'inventaire des colons souhaités pour la Guyane, on
distingue bien les Créoles, des habitants ou
des soldats acclimatés (les soldats de
la garnison de Cayenne, ces sujets acclimatés), ce
qui n'exclut pas l'emploi de l'expression Créoles acclimatés
ou encore celle de familles déjà naturalisées
au climat. Cette dernière expression a été
utilisée pour désigner les Français neutres
(les habitants français de colonies nommés Neutres),
des diverses colonies cédées à l'Angleterre
comme La Dominique, Saint-Vincent, Tobago et la Grenade, des familles
versées dans les diverses branches de l'agriculture,
des manufactures et du commerce, et dont quelques-unes ont leurs
nègres et des bestiaux, qui seraient
en état en arrivant de mettre en valeur un terrain qu'on
leur donnerait9. Les habitants
proposés par Fiedmont pour constituer un noyau sûr
de peuplement se trouvent également en Guadeloupe:
le moyen le plus sûr pour peupler la Guyane est
de permettre aux habitants abondants de la Guadeloupe
et autres îles (...) de passer ici avec leurs familles et
leurs meilleurs nègres comme ils le désirent depuis
longtemps10. Plusieurs
familles créoles de Guyane, comme les Lohier (les ascendants
de Michel Lohier), sont ainsi originaires de La Dominique, d'autres
de la Guadeloupe (Laforest, Terrasson, Mercier), venues au XVIIIe
siècle, suite à l'appel lancé par les gouverneurs
et les administrateurs de l'époque. On sait également
que Fiedmont encouragea l'immigration acadienne en Guyane et qu'il
redemanda plusieurs fois au ministre l'envoi de colons d'origine
acadienne.
D'un point de vue économique, il est tout
aussi évident que les administrateurs coloniaux n'ont jamais
cessé de planifier le développement de la Guyane,
en particulier sur le littoral. En 1816, malgré les échecs
successifs des établissements de Kaw et de l'Approuague,
mis en place par Bessner, Guisan et Lescallier (1776-1793), on affirme
que La Guyane française a de quoi former plus de
6'000 établissements en terres basses, semblables à
ceux du Suriname et de Demarary. Chacun de ces établissements
exigerait au moins 300 Noirs et rapporterait alors au moins 600
milliers de francs de sucre, ce qui ferait trois millions et demi
de francs de sucre pour les 6'00011.
La période de l'occupation portugaise (1809-1817) s'achève
et la reprise en main de la colonie par la France s'effectue sous
la pression de projets ambitieux, motivés en particulier
par les nouvelles contraintes nées du vote, en avril 1818,
de la loi interdisant la traite des Noirs. On s'orientait vers des
engagements de Noirs saisis sur des navires de traite
clandestine et vers des projets de peuplement confiés, comme
à l'époque de l'expédition de Kourou, à
des laboureurs européens. D'autres projets, plus
ambitieux encore, visaient à orienter vers la Guyane des
travailleurs asiatiques, chinois et indiens, dont on disait apprécier
les qualités dans le domaine de l'agriculture.
L'amorce d'une nouvelle politique économique
dans la région des terres basses est confié au baron
Pierre-Clément de Laussat, gouverneur de la colonie à
partir de juillet 1819. En 1820, les Etats des produits exportés
font apparaître pour l'ensemble de la colonie une exportation
totale de sucre de 249 425 F, pour une exportation totale de 1 889
187, 50 F ce qui place de toute façon le sucre en première
position devant le coton (208 502 F), le rocou (170 587 F), la mélasse
(107 715 F), la girofle (100 039 F) et le cacao (86 698 F), mais
qui reste en deçà des prévisions fondées
sur un développement des terres basses12.
L'échec de la période antérieure est imputé
une nouvelle fois au manque de main d'uvre, même si
les Portugais qui poursuivaient la traite ont introduit de nombreux
esclaves en Guyane. De nouvelles propositions de peuplement sont
faites au baron de Laussat sous la forme de l'envoi de Nègres
libres des États-Unis ou encore de Chinois en provenance
des Mers d'Asie. Les leçons du passé ne
sont visiblement pas tirées au bon moment et de nouveaux
projets sont avancés sans trop de précautions.
Au niveau qui intéresse notre questionnement,
celui des modalités de formation d'une vie communautaire
aux marges du système de plantation, il est intéressant
d'examiner cette suite de projets à la lumière des
réalités de l'implantation de ces diverses communautés
rurales en Guyane française. Qu'est-ce qui peut bien conduire
la Guyane dans cette spirale de l'échec en matière
d'immigration de travailleurs en milieu rural? Quelle société
rurale peut à terme émerger d'une telle suite de décisions
et de résultats peu encourageant en matière de développement?
Les terres basses du gouverneur
Laussat
Le gouverneur Laussat, du reste, ne manque pas
de réagir à ce projet d'envoi de Nègres libres
des Etats-Unis: Quels sont d'abord ces Nègres libres
que vous proposez? Sont-ce des cultivateurs? Non. Il y a en Georgie,
dans la Virginie, dans les Carolines, des Nègres cultivateurs,
des Nègres attachés à la terre13.
Dans une lettre écrite de Washington, le consulat général
de France fait savoir qu'il est nécessaire
de procurer à M. Laussat, 6 ou 12 familles de settlers,
défricheurs ou laboureurs (...) à leur faire toute
proposition ou accepter toutes conditions qu'ils vous feraient et
que vous jugerez convenables14.
Nègres libres ou settlers, le baron de Laussat
et son administration ne semblent plus maîtriser localement
une situation qui pourtant amène des décisions à
prendre concernant des zones bien précises.
Ainsi, dans les terres basses de Kaw et de l'Approuague
qui viennent d'être l'objet d'une nouvelle tentative de peuplement
qui s'est soldée par un cuisant échec, avec l'installation
en 1820 des Chinois amenés d'Asie15,
la colonie semble décidée à marquer une pause.
Mais où placerai-je ces immigrants (les Nègres
libres des États-Unis)? demande Laussat. Votre
excellence dit dans les terres basses entre Kaw et l'Approuague.
Ce semble facile depuis Paris mais, de près, ce ne paraît
point praticable (...) Je ne leur verrais dans notre Guyane française
de poste convenable que: ou à la gauche de l'Oyapock, ou
à la droite du Maroni (...) si l'on persiste à tenter
d'un essai de colonisation de laboureurs européens, la droite
du Maroni et la Mana doivent lui être entièrement réservées16.
Malgré l'insistance des autorités parisiennes pour
privilégier cette zone, plusieurs tentatives d'implantation
de colons européens échoueront dans la région
de Mana. Ainsi, sur 174 émigrants français envoyés
en 1823 pour créer un établissement sur la Mana, 164
reviendront en France quelques mois plus tard. Ils seront suivis,
sans plus de succès, par quelques familles jurassiennes en
1824 et en 1828, qui furent également rapatriées en
France à la demande du gouvernement. Rien ne fut définitivement
implanté sur la Mana jusqu'à la création, en
1828, d'un établissement confié à la congrégation
religieuse de Saint-Joseph de Cluny, dirigé par la Mère
Anne-Marie Javouhey, destiné à accueillir 500 esclaves
saisis de traite. On notera toutefois que la Mère
Javouhey est partie pour la Guyane avec 36 surs de sa congrégation,
une dizaine d'orphelins et 34 paysans, hommes et femmes, et 16 ouvriers,
engagés pour trois ans, et que, sur place, elle a trouvé,
mis à sa disposition, 25 jeunes esclaves17
L'objectif de peuplement par des colons européens était
partiellement maintenu. Mais, en 1831, la Mère Javouhey,
faute de pouvoir payer les engagés, doit les laisser repartir.
C'est un nouvel échec pour la petite paysannerie créole.
Tirant par ailleurs ses propres conclusions de
l'échec des tentatives de développement autour de
Guisanbourg (Approuague-Kaw), le gouverneur Laussat propose la crique
Passoura, près de Kourou, pour l'implantation d'un nouvel
établissement qui prendra le nom de Laussadelphie.
Cet épisode, ainsi que celui de la région de Guisanbourg,
mériteraient d'être détaillés à
la lumière des expériences qui furent tentées
en Guyane à partir de 1763 et qui, en ce qui nous concerne,
peuvent être lues dans la perspective de l'observation ethno-historique
et ethnographique de l'implantation de petites communautés
rurales selon le modèle des sociétés
paysannes à l'américaine, c'est-à-dire
animées par un certain esprit d'entreprise et de réussite,
un esprit de liberté et une certaine mentalité de
colon18 Nous avons montré
ailleurs qu'il avait pu être esquissé, à travers
les conditions bien particulières de la colonisation dans
les savanes de Kourou, de Sinnamary et d'Iracoubo, une matrice sociale
de la colonisation prenant appui sur une culture paysanne de recomposition
dont les contours généraux seraient communs aux paysanneries
nord-américaines, sur la société quasi
tribale que pouvaient former les chapelets d'îlots acadiens
dispersés sur les côtes du littoral de la Guyane mais
aussi des Maritimes, sur un modèle de relations interculturelles
(Noirs-Amérindiens-Blancs) proche de celui qui a pu être
observé en Acadie, au moment de la colonisation, entre 1604
et 176419. On peut estimer qu'en cas
de succès, les choix opérés par le gouverneur
Laussat en matière d'établissement seraient venus
renforcer cette tendance. L'histoire en a décidé autrement.
L'Approuague-Kaw
La région de l'Approuague-Kaw a fait l'objet
d'un développement que l'on pourrait qualifier de planifié,
selon le modèle des polders hollandais, sous l'impulsion
de l'intendant Malouet et de l'ingénieur suisse Guisan, à
partir de 1776. En 1765, il existait déjà dans le
quartier d'Approuague, 26 anciens habitants et 140 nouveaux habitants
dont 22 placés sur des habitations20.
Ces derniers, acadiens (dont le commandant du quartier Andress Carrerot)
et allemands, étaient issus de l'expédition de Kourou
et s'étaient installés sur de petites habitations
avec très peu d'esclaves. En 1772, la population du quartier
de Kaw-Approuague était de 103 habitants et 554 esclaves21.
En 1776, le baron de Bessner avait fait créer un nouvel établissement
sur l'Approuague et quelques habitants s'étaient fait accorder
des concessions dont plusieurs officiers de l'Ile Royale en Acadie
(D'Aillebout de Saint-Vilmée, Vareille de la Bréjonnière,
Dupont de Mézillac). En 1788, l'ordonnateur Daniel Lescallier
présente l'état des 17 habitations nouvelles qui constituent
le quartier avec un millier de Nègres: Quelques
uns et beaucoup de ces habitants par le désir de vivre en
ville détournent pour leur usage personnel les canotiers,
les chasseurs, les pêcheurs, les domestiques, laissant leur
habitation pour la plupart du temps au gré de leurs Nègres...22
On l'aura compris: les résultats furent globalement décevants.
Le bourg de Villebois, décidé en 1789 par les habitants,
ne verra pas le jour: après les dessèchements
faits selon les règles de l'art, les colons n'ont donc rien
produit et ont fait perdre deux ans de temps précieux...23
Des concessions furent à nouveau attribuées entre
1789 et 1793, sans que le modèle de la grosse habitation
ne parvienne véritablement à s'imposer.
On comprend dès lors que le baron de Laussat
ait pu être séduit par un nouvel établissement
confié à des cultivateurs chinois. Un an après
leur arrivée, la messe était dite. Dans un rapport
du 19 septembre 1821, le baron de Laussat dresse ses conclusions
sur l'établissement des Chinois à Kaw: Ils
étaient incapables de remplir les conditions du traité
passé avec eux ni de l'exécuter (...) ils débarquèrent
ici le 11 août 1820, une année était donc écoulée
lorsque je les ai dernièrement fait venir à la ville.
Nous ne nous étions pas obligés à les nourrir
plus longtemps. Loin de tirer parti du charmant établissement
que je leur avais formé, ils l'ont laissé retomber
en friche et en ruine. Ce sera à eux maintenant de gagner
leur vie, jusqu'à ce qu'il leur plaise de prendre leur essor,
ils resteront à la charge du gouvernement et j'ai ordonné
qu'ils seraient distribués comme suit: 3 à l'imprimerie,
3 à la direction de l'artillerie, 3 à la briquetterie
du roi, 4 au jardin royal des plantes24.
Ces quelques précisions nous amènent
à comprendre qu'il ne pouvait exister en Guyane, et plus
particulièrement dans cette frange littorale de l'est de
Cayenne, de société de plantation au sens classique
du terme sans avoir recours à des moyens considérables
en main d'uvre et en infrastructures et que, bien entendu,
ces conditions ne furent jamais réalisées. Le modèle
qui a fini par s'imposer a été celui de la coexistence
de petites habitations littorales, avec, au voisinage, des villages
amérindiens. Ce modèle a fonctionné sur l'Approuague
jusqu'au rétablissement des missions en 1784. Encore fallait-il
garantir à ces petits habitants des conditions d'installation
satisfaisantes. Ce ne fut que rarement le cas sur l'Approuague-Kaw.
La région de Kourou, à l'ouest, qui était pourtant
habituée à accueillir de nouveaux colons (Acadiens,
Allemands, de la Guadeloupe et de la Dominique, soldats congédiés,
etc.), allait offrir un exemple supplémentaire de ces incroyables
erreurs commises au nom du peuplement de la Guyane et, plus particulièrement,
du bon peuplement.
Laussadelphie
L'installation d'une colonie de défricheurs
venus des Etats-Unis sur la rive droite de la Passoura, affluent
du Kourou, débute le 28 novembre 1821. En janvier 1822, le
gouverneur Laussat, visitant le site, estime que l'on est en présence
d'un nouveau projet qui risque d'échouer par des
négligences et des méprises dans l'exécution,
comme ce peut être le cas pour les plus beaux et
les plus solides projets. En effet, il est
à craindre qu'après que la première année
sera passée et lorsque tout ce monde devra pourvoir par lui-même
à sa subsistance, ceux que je viens d'indiquer (7 individus
sur 19) ne le puissent pas et deviennent pour nous des bouches inutiles
(...) J'avais tant recommandé que l'on ne m'envoyât
que des laboureurs et des cultivateurs, voyez Monseigneur comme
on l'a fait25. Que s'est-il
donc passé depuis les débuts de cette opération?
La région de Kourou serait-elle vraiment une terre de l'échec?
Une lettre du 4 août 1821, du consul général
de France à Washington, annonce que: Il s'est présenté
à M. Buchet Martigny à Norfolk, Virginie, 9 familles
de laboureurs composés de 30 à 40 individus pour lui
demander de passer à Cayenne. Ils partiront le
1er octobre 1821. Pendant ce temps, un rapport du baron
de Laussat du 9 octobre 1821 présente le projet
d'un établissement à former pour les familles américaines
sur les bords de la Passoura, quartier de Kourou, pour
lequel M. Lenglet est commissaire-commandant: sur la rive
gauche, il y a une plantation de coton et de rocou fort belle qui
dépend de Pariacabo, sur la rive droite la propriété
de M. Aubanel (...) borne de son domaine, Dégrad Indien,
un quart d'heure plus haut Dégrad Bourgoin, nom d'un propriétaire
qui cultivait antérieurement (...) Dégrad Olivier.
Le village proposé est le long de la Passoura (120 toises
de face et 46 toises de profondeur): Il doit y être
construit des cases pour loger 8 familles, 40 individus et ménageries,
l'emplacement d'un temple.
L'emplacement avait donc été soigneusement
choisi avec les conseils avisés des habitants de Kourou qui
avaient survécu au désastre de l'expédition
de Kourou et dont on a par ailleurs pu suivre l'évolution
des habitations sur plusieurs générations, à
partir de 1764 et jusqu'en 185326.
Ainsi, l'habitation Pariacabo, une concession de 230 hectares, qui
employait encore 100 esclaves en 1848, appartenait en 1853 à
M. D'Aigrepont mais était considérée comme
abandonnée. La veuve Lenglet, veuve du commissaire-commandant
du quartier, Charles-Antoine Armand Lenglet (1773-1846) possédait
encore en 1853 une maison au bourg de Kourou et une ménagerie
de 53 têtes de gros bétail en association avec Auguste
Jacquemin. L'ancienne concession Larroque longeait également
la rivière Passoura face à l'habitation Pariacabo.
Le choix des terres pouvait donc paraître judicieux. Malheureusement,
lors de sa première visite, le baron de Laussat ne pouvait
que constater que certains des défricheurs irlandais annoncés
étaient auparavant employés à tout autre chose
que l'agriculture (Court, 36 ans, était commis
des douanes. Il est venu seul, sa femme n'a pas voulu le suivre,
elle est restée à Norfolk; Murray,
40 ans, est un menuisier qui se trouve ici vivre à l'isolement
) ou étaient incapables de travailler (Sullivan,
26 ans, a perdu sa femme, est poitrinaire). Un courrier
du 12 avril 1822 signale que Sullivan, Murray et le jeune Martin
sont morts, puis un courrier du 10 juillet 1822 signale la présence
de trois défricheurs fainéants et réfractaires.
Le 19 novembre 1822, après que deux défricheurs
aient tenté de s'évader, il est procédé
à l'embarquement des Irlandais pour la Nouvelle-Angleterre.
Ils furent remplacés par neuf militaires, tous
robustes et bien acclimatés (courrier du 13 février
1823). On oublia ainsi que le 3 octobre 1822 était parvenu
un nouveau plan proposé par le consul de France à
la Nouvelle-Orléans recommandant d'engager des
petits habitants cultivateurs des côtes des Allemands, des
Acadiens du Bayou de la Fourche qui sont d'origine française
(...) qu'ils s'établissent par exemple sur les bords de la
Passoura, il serait possible qu'ils y réussissent.
Conclusion
Au delà du caractère anecdotique
de ces événements qui ne font qu'illustrer les carences
de l'administration coloniale, il importe de s'interroger sur le
bien-fondé de ces projets de colonisation basés sur
une petite paysannerie qui venait se substituer à des grosses
habitations fondées sur l'esclavage. Les expériences
de Sinnamary et d'Iracoubo (1765-1853) montrent qu'une véritable
culture paysanne a pu se développer en marge de l'économie
de plantation, sur la base d'autres mécanismes de créolisation
socioculturelle et sur la base d'autres situations d'interculturalité,
qui auraient pu nous mener, avec d'autres circonstances historiques
(implantation de l'administration pénitentiaire, orpaillage,
etc.) jusqu'aux sociétés créoles d'aujourd'hui.
Les variations utopiques de la créolisation que l'on a pu
déceler dans les propos des administrateurs de ces colonies,
montrent bien qu'il existait à chaque époque des alternatives
viables et durables à la société de plantation
mais qu'il s'agissait surtout de lutter, sur le terrain, contre
des intérêts locaux qui poussaient sans cesse la colonie
vers des choix de développement pas nécessairement
fondés sur l'expérience.
On a surtout retenu l'uvre considérable
du baron de Laussat dans le domaine de l'urbanisme et de l'aménagement
du territoire (achèvement du canal de Sartines dans Cayenne,
entretien des canaux de Torcy, de Kaw, de la crique Gabrielle),
avec la création du haras de Montjoly, du jardin botanique,
etc. On a fait peu de cas, sauf le docteur Arthur Henry mais sur
le ton de l'ironie27, des résultats
de Laussadelphie et de ses initiatives pour introduire le thé
en Guyane, une culture qui était destinée à
être confiée aux immigrants chinois de Kaw dont on
a pu mesurer le désastre de l'implantation. On peut alors
imaginer quelle autre Guyane aurait pu s'extraire du succès
de tous ces établissements. Jean Benoist situait en 1966
la chance de l'ethnologie caraïbe dans la possibilité
de porter son regard vers des astres qui naissent :
A travers un incroyable broiement d'hommes, de structures
et d'idées, une population a germé dans des territoires
pratiquement vierges; elle a dû inventer sous nos yeux ses
réponses aux exigences d'un milieu, à des pressions
économiques inédites28.
La Guyane, je crois, incarne parfaitement, à travers sa complexité
et l'incroyable cheminement de ses populations, cette vision tout
à fait juste de la civilisation antillaise. |
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Notes
1 J. Michel, La Guyane sous l'Ancien
Régime. Le désastre de Kourou et ses scandaleuses
suites judiciaires, L'Harmattan, Paris, 1989; P. Thibaudault, Échec
de la démesure en Guyane. Autour de l'expédition de
Kourou, Saint-Maixent-l'École, 1995.
2 Voir, par exemple, son texte d'introduction
dans J. Benoist (éd), L'archipel inachevé. Culture
et sociétés aux Antilles françaises, Presses
de l'université de Montréal, Montréal, 1972
et Une civilisation antillaise (p. 7-11) dans J. Benoist
(éd), Les sociétés antillaises, Centre de recherches
caraïbes, Montréal, 1975 (4e édition).
3Ce texte fait partie d'une réflexion
plus large qui s'inscrit dans un projet de recherche sur l'appropriation
sociale et spatiale du littoral dans les sociétés
créoles (PPF Mer , contrat quadriennal 1998-2001
de l'Université de La Réunion, resp. C. Conand et
R. Robert).
4Voir en particulier: L. Poliakov,
Les idées anthropologiques de philosophes du siècle
des Lumières , Revue française d'histoire d'outre-mer,
tome LVIII, n° 212, 1971, p. 255-278; P.-H. Taguieff, La couleur
et le sang. Doctrines racistes à la française, Mille
et une nuits, Paris, 1998; J.-L. Bonniol, La couleur comme maléfice,
Albin Michel, Paris, 1992.
5AOM (Archives d'outre-mer à
Aix-en-Provence, noté par la suite AOM), DFC Guyane, carton
62, port. 21, n° 207 (1774).
6AOM, DFC Guyane, carton 68, port.
22, n° 605 (1820).
7ANSOM (Archives nationales, Paris,
rue des Francs-Bourgeois, noté par la suite ANSOM), Guyane,
C 14, 35, F 313 (mémoire, 1767).
8AOM, DFC Guyane, carton 62, port.
21, n° 470 ( 14 notes relatives à la Guyane par
M. Lescallier , 8e note, 1789).
9ANSOM, Guyane, C 14, 28, F 235 (mémoire
de M. de Guerchy, ambassadeur du roi à Londres du 19 mars
1765).
10ANSOM, Guyane, C 14, 36, F 3 (Lettre
de Fiedmont au ministre du 1er janvier 1768).
11AOM, DFC Guyane, carton 48, dossier
F1 03, Marine, Direction des colonies, bureau de l'administration,
26 septembre 1816.
12AOM, DFC Guyane, carton 48.
13AOM, DFC Guyane, carton 48, F 107
(lettre du 20 février 1821).
14AOM, DFC Guyane, carton 48, F 107
(lettre du 28 avril 1821).
15Pour plus de détails sur
cette expédition, voir: S. Daget, Main-d'oeuvre et
avatars du peuplement en Guyane française 1817-1863 ,
Revue française d'histoire d'outre-mer, tome LXXIX, 1992,
n° 297, p. 449-474.
16AOM, DFC Guyane, carton 48, F I07
(lettre du 20 février 1821).
17Pour plus de détail sur l'établissement
de Mana, voir: M.-J. Jolivet, La question créole, Éditions
de l'ORSTOM, Paris, 1982, p. 35-39 et les travaux récents
de P. Delisle publiés dans la Revue francaise d'histoire
d'outre-mer, 1998.
18Voir: P. D. Clarke, Sur L'Empremier,
ou récit et mémoire en Acadie , in J. Letourneau
et R. Bernard (éd), La question identitaire au Canada français,
Presses de l'université Laval, Sainte-Foy, 1994, p. 3-44.
19B. Cherubini, L'émergence
de secteurs intermédiaires en marge de la société
de plantation: l'exemple des Acadiens en Guyane , Études
créoles, Vol. XX, n° 1, 1997, p. 89-114 et B. Cherubini,
De la matrice généalogique acadienne à
la matrice sociale de la créolisation: les données
écologiques d'une migration en Guyane française ,
Communication au 123e Congrès des sociétés
historiques et scientifiques, 4-11 avril 1998, Fort-de-France (à
paraître).
20ANSOM, Guyane, C 14, 28, F 358.
21ANSOM, Guyane, C 14, 40, F 250.
22AOM, DFC Guyane, mémoires
65, n° 463 (Lescallier, 1er août 1788).
23AOM, DFC Guyane, mémoires
65, n° 500 (correspondance du 20 octobre 1789).
24AOM, DFC Guyane, carton 48, F 109.
25AOM, DFC Guyane, carton 48, F 107
(lettre du 3 février 1822).
26B. Cherubini, Les Acadiens
habitants en Guyane de 1772 à 1853. Destin des lignées,
créolisation et migration , Études canadiennes/Canadian
Studies, n° 40, juin, 1996, p. 79-97.
27A. Henry, La Guyane française,
son histoire 1604-1946, Le Mayouri, Cayenne, 1981 (1er édition
1950).
28J. Benoist, Une civilisation
antillaise , op. cit. p. 7. |
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Références bibliographiques
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- C 14, 35, F 313 (mémoire, 1767).
- C 14, 28, F 235 (mémoire de M. de Guerchy, ambassadeur
du roi à Londres du 19 mars 1765); F 358.
- C 14, 36, F 3 (Lettre de Fiedmont au ministre du 1er janvier
1768).
- C 14, 40, F 250.
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- carton 62, port. 21, n° 207 (1774).
- carton 68, port. 22, n° 605 (1820).
- carton 62, port. 21, n° 470 (14 notes relatives à
la Guyane par M. Lescallier, 8e note, 1789).
- carton 48, dossier F1 03, Marine, Direction des colonies, bureau
de l'administration, 26 septembre 1816.
- carton 48, F 107 (lettre du 20 février 1821); (lettre
du 28 avril 1821); (lettre du 3 février 1822).
- carton 48, F 109.
- mémoires 65, n° 463 (Lescallier, 1er août 1788);
n° 500 (correspondance du 20 octobre 1789).
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aux Antilles françaises (J.Benoist éd), Presses
de l'université de Montréal, Montréal, 1972.
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antillaises (J.Benoist éd.), Centre de recherches caraïbes,
Montréal, 1975 (4e édition), p. 7-11.
BONNIOL, J.-L., La couleur
comme maléfice, Albin Michel, Paris, 1992.
CHERUBINI, B.:
- L'émergence de secteurs intermédiaires en
marge de la société de plantation: l'exemple des
Acadiens en Guyane, Études créoles, Vol. XX,
n° 1, 1997, p. 89-114.
- De la matrice généalogique acadienne à
la matrice sociale de la créolisation: les données
écologiques d'une migration en Guyane française,
Communication au 123e Congrès des sociétés
historiques et scientifiques, 4-11 avril 1998, Fort-de-France
(à paraître).
- Les Acadiens habitants en Guyane de 1772 à 1853.
Destin des lignées, créolisation et migration,
Etudes canadiennes/Canadian Studies, n° 40, juin, 1996,
p. 79-97.
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ou récit et mémoire en Acadie, in J. Letourneau
et R. Bernard (éd), La question identitaire au Canada
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1994, p. 3-44.
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et avatars du peuplement en Guyane française 1817-1863,
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1950).
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créole, Éditions de l'ORSTOM, Paris, 1982, p.
35-39
MICHEL, J., La Guyane sous
l'Ancien Régime. Le désastre de Kourou et ses scandaleuses
suites judiciaires, L'Harmattan, Paris, 1989.
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anthropologiques de philosophes du siècle des Lumières,
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n° 212, 1971, p. 255-278.
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Mille et une nuits, Paris, 1998.
THIBAUDAULT, P., Échec
de la démesure en Guyane. Autour de l'expédition de
Kourou, Saint-Maixent-l'École, 1995.
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