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Les Milles & Une Vertus de l'Hibiscus

Liliane Jabot

Les Milles & Une Vertus de l'Hibiscus, Lili Jabot • ISBN 9782956163503 • 2017 • 287 pages • 30 €.

NAISSANCE D’UNE PASSION

«Avance sur ta route, car elle n’existe que par ta marche» (Saint-Augustin)

J’ai toujours pensé que l’Hibiscus était une plante spécifique aux pays tropicaux, mais grande fut ma surprise quand j’ai découvert son existence et sa célébration dans le Monde entier. Je ne sais pour quelles raisons, depuis ma plus tendre enfance, j’ai été très attirée par cette plante qui poussait autour de toutes les maisons de la Guadeloupe. Dès mon jeune âge, je courais à leur rencontre. Mes yeux de petite fille insouciante et avide de découvertes, les scrutaient avec attention (je découvrais la nature). Âgée de six ans, avec ma sœur Cécile, un jour, nous nous sommes amusées à lui enlever ses pétales pour les sucer, et nous les avions trouvés sucrés. Néanmoins, notre palais avait une préférence pour les hibiscus piment, car ils étaient plus «doux». En le remarquant, nous nous en sommes données à cœur joie, puisque les friandises n’étaient pas choses communes du temps de nos jeunes années et c’était un luxe; ici nous n’avions qu’à tendre la main et nous étions servies. Chaque jour, les hibiscus venaient embellir nos haies, mais mouraient dans la même journée à l’inverse des autres gerberas et tubéreuses, qui, eux, faisaient de la résistance et embaumaient l’air; curieuses, nous voulions savoir pourquoi ils laissaient des traces noirâtres sur le sol. Et à notre grand étonnement, ces fleurs avaient un pouvoir colorant. Nous l’avons découvert parce qu’elles nous noircissaient la langue.

Cependant, par le plus pur des hasards, un jour, j’ai vu ma mère se teindre les cheveux avec les fleurs d’hibiscus fraîchement cueillies pour dissimuler ses cheveux blancs naissants. En effet, en les écrasant dans un mortier (pilon), on pouvait constater que le liquide noir obtenu était un colorant naturel qui noircissait et fortifiait aussi les cheveux. Et jusqu’à aujourd’hui, certaines femmes qui n’aiment pas les produits chimiques, utilisent les fleurs d’hibiscus pour se noircir les cheveux, et ce n’est que mieux. Après la teinture, le rinçage se faisait avec cette fameuse huile artisanale que nous fabriquions et qui servait de baume démêlant.

Nous n’avons rien inventé, nos parents le faisaient déjà.

Les produits pour prendre soin de nos cheveux, autrefois, se limitaient à l’hibiscus et à l’huile de carapate.

À la maison, inconsciemment je les dessinais partout, parce qu’avant toutes les autres fleurs importées, l’hibiscus m’était familier, et avec mes voisines de jeux, nous jouions à la marchande de fleurs, nous les portions dans nos cheveux et en faisions des colliers à la manière des vahinés que nous avions eu l’occasion de voir dans les rares livres qu’il nous était permis de consulter.

Lorsque nous voulions nous exercer à l’épicière, les feuilles nous servaient de salades, mais nous ne les mangions pas, bien entendu, et avec ces mêmes feuilles nous fabriquions notre «huile». Notre recette: nous frottions les feuilles avec nos mains dans une bassine d’eau et à la fin quand elles étaient réduites à l’état de bouillie, nous versions le liquide obtenu dans le torchon subtilisé dans la cuisine de notre maman, pour le filtrer; et voilà notre huile  «vierge pressée à froid» (rire) de l’époque, vendue dans notre épicerie, appelée «boutique», dans les années 56/60 déjà, et cela, bien avant tout le monde. Pour la fête des mères, bon nombre de mes amies et moi-même offrions des bouquets d’hibiscus à nos mamans, puisque la Nature nous les donnait en cadeau.

Je vais vous parler de mon amour pour cette fleur, et ce qui a motivé mon désir d’en savoir plus sur elle. J’ai commencé par me documenter, car, hormis le fait de la voir fleurir nos haies et nos maisons, je ne savais rien d’elle. Je pense que l’hibiscus m’a choisie à mon insu et insidieusement, il m’a insufflé cette passion qui ne m’a jamais quittée, mais qui, au contraire, au fil du temps, s’est précisée et accrue. Tout d’abord, commençons par le commencement, à savoir le moment où cette passion s’est développée en moi…

Grâce à cette fleur, une autre passion était née : le dessin. Depuis les cours préparatoires jusqu’au collège le dessin n’avait pas de secret pour moi j’étais toujours la première. À telle enseigne que je dessinais aussi bien le portrait que la nature morte. C’était inné. Un jour, un concours avait été organisé dans mon collège et les élèves avaient le devoir de dessiner un hibiscus qui servirait de couverture pour un recueil de poésies, je me suis bien appliquée et ai tout donné, et qui fut la lauréate? Moi, bien sûr! Mon dessin avait été choisi parmi tous les autres. Il a été reproduit plus tard sur du papier Canson fort, par mes soins, à la demande de ma professeure, car déjà, à l’époque, très adroite de mes mains j’ai pu relever le défi sans aucun problème. Et c’est comme ça, muni d’une paire de ciseaux et d’une lame de rasoir (je ne connaissais pas encore le cutter) j’ai découpé mon dessin en respectant bien les contours de la fleur… et le résultat était à la hauteur de l’enjeu. Il a été présenté à tout le collège. Inutile de vous dire le sentiment de fierté qui m’avait envahie ce jour-là. Lors de la Distribution des Prix organisée chaque fin d’année scolaire, je me souviens avoir reçu le Premier prix de Dessin dont la récompense était un beau livre de Francisco Goya (je n’ai jamais oublié le nom de ce peintre) et le Premier Prix de poésie avec un livre d’Alfred de Musset, et autres récompenses. Ce recueil avec son emballage exotique, je pense que mon institutrice, encore vivante à ce jour où j’écris ce livre l’a précieusement gardé dans ses archives. Sur mon balcon, en Guadeloupe, j’ai cultivé plusieurs espèces que je chérissais, car je leur parlais toujours, et elles croissaient agréablement. Certaines de mes amies faisaient la collection d’orchidées moi c’étaient les hibiscus. Je m’en procurais chez des amis ou les pépiniéristes. Arrivée à Paris, je n’étais pas sûre d’en trouver pensais-je, mais non! Il y en avait aussi; et un samedi, dans un magasin de vente de plantes où je faisais l’acquisition de quelques spécimens, le vendeur, étonné par mes «oh» d’admiration en découvrant les nouvelles variétés, récompensa mon enthousiasme en m’en offrant deux gratis; il faut dire que c’était une période de promotion, mais que m’importait, j’avais quand même été gâtée. Je ne me lasse jamais des hibiscus, mes yeux les dénichent toujours, je les débusque où que je passe, je les chouchoute au point où j’ai contaminé mes petits-enfants (les plus grands). Ils ont acheté quelques espèces et ont commencé eux aussi leur petite collection. Ils sont très intéressés, car ils me questionnent, vont sur internet chercher des solutions pour les soigner, sacrifient leurs petites économies afin de s’en procurer d’autres… C’est extraordinaire!

Depuis le mois d’août 2013, je tiens une page Facebook dédiée à ma passion. J’ai collectionné sur cette page des hibiscus de toutes les couleurs et de toutes les formes, photographiés dans tous les pays, par des amoureux de cette fleur, pour le plus grand plaisir de mes fans qui ne cachent pas leur émerveillement quand avec eux je partage mes trouvailles. Fascinée par les nouvelles espèces, que je découvrais, car, jamais, je ne pouvais m’imaginer l’existence de telles variétés, je me suis laissée entrainer par la vague et me suis abonnée à des sites américains et australiens et là, j’ai été servie. Chaque semaine, ils partagent avec moi ce même engouement, ce même amour, pour cette malvacée si belle si mystérieuse. Ces gens vouent une telle passion pour l’hibiscus, qu’ils ont carrément changé leur vie en se consacrant uniquement à sa culture et à sa multiplication. J’étais ravie, car j’avais trouvé réponse à mes attentes. Grâce à ces échanges, j’ai appris que chaque année des célébrations étaient organisées en Australie, aux États-Unis, au Canada, en Nouvelle-Orléans et en Floride en l’honneur de l’Hibiscus depuis des décennies. Ce sont de vrais concours de beauté.

Effectivement, au printemps, se tient en Floride un grand évènement THE INTERNATIONAL CHAPTER HIBISCUS SHOW en avril et mai. Des collectionneurs des régions avoisinantes et même de très loin viennent faire concourir leurs fleurs. Cet évènement a lieu aussi en Louisiane.

 À Suva, dans les îles Fidji se tient chaque année au mois d’août le Festival de l’Hibiscus avec une exposition de fleurs et de plants d’hibiscus, des Stands alimentaires de l’artisanat et l’Élection de la Miss.

Des spécimens de plus en plus élaborés, grâce aux hybridations des férus en la matière, attirent les curieux et visiteurs venus à la recherche de la perle rare; aussi des prix sont décernés aux gagnants par un jury compétent. Cette rencontre de collectionneurs que j’ai pu voir grâce à des vidéos, m’a confortée dans ma démarche de faire aimer cette fleur par le plus grand nombre de personnes. Petit à petit, l’idée de créer un espace dédié à l’hibiscus a germé en moi et a pris forme. Quand je vous dis que l’hibiscus m’a choisie, c’est vrai ! Parce que j’ai répondu à une annonce pour la location d’un lieu, un jardin. Ce rêve qui mijotait au plus profond de moi serait-il en train de se cristalliser? Et voilà que malgré les autres prétendants, c’est mon projet qui a plu, c’est ma passion qui a dicté le choix du propriétaire. J’étais aux anges, car enfin j’allais pouvoir donner libre cours à ma passion, réaliser mon rêve!

Paulo Coelho a dit «C’est justement la possibilité de réaliser un rêve qui rend la vie intéressante!».

Mon conseil: Il n’y a pas d’âge pour réaliser son rêve. Ne laissez pas le doute avoir raison sur vos motivations. Osez! Allez jusqu’au bout. L’important c’est de faire ce dont on a envie. N’écoutez personne, mais écoutez la petite voix qui vous parle toujours. À la retraite, et libre de toutes contraintes, je vais prendre un nouveau virage pour m’adonner avec bonheur à mon nouveau «métier»: collectionneuse d’hibiscus.

Extrait : Page 119

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