L’année haïtienne au Conseil général
L’exposition Des constitutions à la Description de
Saint-Domingue, accompagnant le colloque est visible
aux Archives départementales jusqu’au 20 septembre
2004. Une visite spéciale vous est proposée le 10 septembre à 18h30.
Une exposition pédagogique, itinérante, qui traite de
l’histoire haïtienne au XIXe siècle, mettant en valeur les
efforts et les échecs de la construction de la première
république noire, et esquissant le regard souvent intrusif
des nations étrangères sur Haïti sera disponible pour les établissements scolaires à compter de novembre 2004.
La bibliothèque Schoelcher propose au mois d’octobre
des animations sur la littérature haïtienne dans le
cadre du Salon du livre (à partir du 12 octobre 2004).
Informations pratiques
Accompagnant l'exposition organisée par les Archives départementales, le colloque éclaire le développement et la crise de la société coloniale en Haïti, à travers la vie et l'oeuvre de Moreau de Saint-Méry. Le colloque se veut un apport critique à l'histoire des représentations sur le Nouveau monde.
Les actes du colloque, seront publiés en mars 2005.
Le colloque se déroulera à l’Atrium,
salle Frantz Fanon,
les 10 et 11 septembre 2004.
Il est prudent de réserver
au 05.96.63.88.46 ou écrire aux Archives départementales,
BP n°649, 19 avenue Saint-John Perse, Tartenson,
97200 Fort-de-France, Fax 05.96.70.04.50, Email.
Programme
Jeudi 9 septembre :
Table ronde animée par Elisabeth Landi, qui aura lieu de 18h à 21h.
Histoire et commémoration : pourquoi commémorer l'indépendance haïtienne ?
Avec David Geggus, Gérard Barthélémy, Jacky Dahomay (sous réserve), Marcel Dorigny, Pierre Buteau
Vendredi 10 septembre
9h00
Allocution d'ouverture du colloque par Claude Lise, sénateur de la Martinique, président du Conseil général.
9h30
Présentation générale du colloque Moreau de Saint Méry, entre insularité et modernité.
par Pierre BUTEAU
Le juriste et l'érudit
Moreau de Saint-Méry, arpenteur créole de Saint-Domingue.
par Vincent HUYGHUES-BELROSE
Moreau, le droit au service de la spécificité coloniale.
par Gérard Gabriel MARION
Moreau de Saint-Méry et la «machine coloniale».
par James E. MC CLELLAN
Débat
14h30 - 16h00
Une approche culturelle de Saint-Domingue - Lucien ABENON Modérateur
Deux regards sur la société coloniale de Saint-Domingue à la fin du XVIII : Moreau de Saint-Méry - Descourtilz.
par Gérard BARTHELEMY
La notion de patrimoine chez Moreau de Saint-Méry.
par Danielle BEGOT
La musique coloniale dans Moreau de Saint-Méry.
par Bernard CAMIER
Débat
16h30 - 17h30
Moreau, loin de Saint-Domingue
Le « Voyage aux Etats-Unis » 1794-1798, de Moreau de Saint-Méry.
par Monique POULIQUEN
Aspects de la mission de Moreau de Saint-Méry dans le duché de Parme (1800-1806).
par Léo ELISABETH
18h30
Visite de l'exposition aux Archives départementales.
Samedi 11 septembre
9h30
Blancs, libres et esclaves à Saint-Domingue - Cécile CELMA Modérateur
Moreau de Saint-Méry et le patriotisme créole à Saint-Domingue.
par John GARRIGUS
Le marronnage à la veille de la Révolution.
par Jean-Michel DEVEAU
Entre encyclopédisme et préjugés : Moreau de Saint-Méry et les libres de couleur de Saint-Domingue.
par Dominique ROGERS
Moreau, les hommes de couleur libres et la profession des armes.
par Stewart KING
Débat
14h00
Moreau de Saint-Méry, Révolution et colonies
Moreau de Saint-Méry : un colon dans la Révolution parisienne (1788-1792).
par Marcel DORIGNY
Moreau et la peur de la philosophie.
par Vertus SAINT-LOUIS
Moreau de St Méry et la Révolution de Saint-Domingue.
par David GEGGUS
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Isle Saint-Domingue. Carte du Cap-François et de ses environs 1770.
(Arch. Nat., CAOM, F3 296/B10bis) |
Pourquoi commémorer ?
Que commémore-t-on à l'occasion de ce bicentenaire de l'indépendance haïtienne ? Il nous paraît opportun de faire ce retour en arrière sur l'histoire de la «perle des Antilles».
Moreau ne soupçonnait pas que «l'isle infortunée dont la splendeur passée étonnera les races futures» deviendrait au contraire le symbole de la lutte victorieuse pour la liberté, et exercerait une fascination durable sur les grands noms de l'histoire caribéenne et européenne, de Victor Schoelcher à Césaire, en passant par C.L.R. James.
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Plan perspective des biens de Monsieur Cassagniard situés au haut du Cap, Isle Saint-Domingue.
Plan à l’encre et lavis d’encre (Arch. Nat., CAOM, 1 PL 2024) |
Pourquoi Moreau ?
Malgré le caractère exceptionnel de son oeuvre, Médéric Louis Elie Moreau de Saint-Méry est emblématique pour bien des raisons: il rappelle les liens qui attachent Saint-Domingue à la Martinique, dont le gouverneur eut autorité sur la grande île jusqu'en 1714, il donne un point de vue créole sur les développements de la colonisation en Amérique.
A travers le regard et l'oeuvre de Médéric Moreau de Saint-Méry, issu d'une famille notable martiniquaise, juriste éclairé, membre de l'élite coloniale agissante de part et d'autre de l'Atlantique, homme cultivé et pétri de l'esprit des Lumières, enfin acteur majeur, mais oublié, de la première Révolution parisienne en 1789, nous pouvons saisir les mécanismes politiques, économiques et juridiques, les ambiguïtés et les blocages de la société domingoise.
Les historiens d'Haïti ne s'y sont pas trompés, en puisant largement dans les documents publiés dans ses deux grands ouvrages, intimement liés: les Loix et constitutions de l'Amérique sous le vent, et la Description topographique, physique, civile, politique et historique de la partie française de l'isle Saint-Domingue.
Si Moreau fut, au reste, un tenant du conservatisme en matière de politique coloniale pendant les années décisives de 1789-1792, son oeuvre qu'on peut qualifier de scientifique se veut objective.
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Le port de Nippe, Isle Saint-Domingue. |
Qui est Moreau de Saint-Méry ?
Médéric-Louis-Élie Moreau de Saint-Méry vit le jour au Fort-Royal en janvier 1750, dans une famille créole martiniquaise implantée dès le milieu du XVIIe siècle. Reçu avocat au Parlement de Paris en 1771, il partit s'installer, avec l'appui de nombreuses relations, comme avocat à Saint-Domingue.
Dès son entrée au barreau, il s'intéressa au problème de la codification des lois coloniales, qui l'amena à la publication des "Lois et Constitutions des colonies françaises sous le vent" (6 vol., 1784-1790). Parallèlement, Moreau de Saint-Méry fréquentait assidûment les milieux savants et fut le correspondant du Cercle des Philadelphes, fondé au Cap-Français en 1784, durant ses séjours prolongés en France dans les années 1780.
Après une intense participation à la Révolution parisienne en 1789, Moreau rejoint le parti colon conservateur. Sans attendre les débuts de la Terreur, en 1792, il émigra aux Etats-Unis d'Amérique où il fit paraître en 1796 la «Description de la partie espagnole de Saint-Domingue», puis la «Description de la partie française de Saint-Domingue». Devenu ami d'un autre émigré célèbre, Talleyrand, cet homme d'étude fut nommé par Bonaparte résident dans les Etats de Parme, puis administrateur de ce duché (1800-1806). Mais, semble-t-il, plus enclin à l'observation qu'à l'action, il fut rappelé, et végéta à Paris pendant les dernières années de sa vie, en réussissant toutefois à vendre son immense collection de documents au ministère de la Marine et des colonies.
Moreau de Saint-Méry est mort à Paris, en janvier 1819.
Le destin de ce créole martiniquais, influencé par le courant scientifique naturaliste en plein essor, partisan de la réforme des institutions coloniales et de la monarchie constitutionnelle, mais aussi défenseur, face aux Amis des Noirs, d'une société coloniale fondée sur l'esclavage, éclaire les contradictions du Siècle des Lumières et des débuts de la Révolution française.
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Vue de l'entrée du gouffre au dessus des sources des eaux thermales de Banica,
Saint-Domingue,
1791.
(ADM, Réserve F° 4)
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L'œuvre de Moreau de Saint-Méry sur Saint-Domingue
Les Lois et constitutions des colonies françaises de l'Amérique sous le Vent (1784-1790)
Les Lois et constitutions des colonies françaises de l'Amérique sous le Vent ont été, dès leur publication, la référence absolue en matière de législation et de jurisprudence pour la colonie française de Saint-Domingue, et même pour les îles du vent. Dans ce recueil en 6 volumes de tous les lois, arrêts et décisions applicables à la colonie américaine, Moreau a fait œuvre de compilateur, tout en se gardant bien de porter lui-même un jugement sur les textes, parfois contradictoires. Par là, il se distingue très nettement du courant des idéologues, dont les plus célèbres sont l'abbé Raynal ou Hilliard d'Auberteuil. Pourtant l'entreprise n'est pas neutre : patronnée par le secrétaire d'Etat à la Marine, elle doit contribuer à la mise à plat, puis à la réforme de la législation coloniale voulues par Choiseul dès 1761. Mais aussi, les Lois contribuent à l'affirmation d'une spécificité institutionnelle et juridique, reflet de la société coloniale, et, partant, à la revendication d'une autonomie qui profiterait aux classes dominantes locales.
La Description de la partie française de Saint-Domingue (1797-1798)
Publiée pendant les années d'exil à Philadelphie, la Description relève du genre « topographique », qui, après une introduction sur les mœurs et une présentation générale de la colonie française, passe en revue, quartier par quartier, paroisse par paroisse, la géographie physique, l'histoire, les ressources exploitées ou à exploiter, et une multitude de renseignements sur la population, l'économie, les particularités locales… Pour Moreau, la Description était liée à son recueil de droit, car sa démarche intellectuelle prétendait à l'encyclopédisme.
Mine d'informations de tous ordres sur Saint-Domingue entre 1720 et 1780, la Description est un ouvrage touffu, révélateur de la faible capacité de Moreau à synthétiser. Elle s'appuie cependant sur un remarquable travail de collecte, tant en archives qu'auprès des témoins ou acteurs des faits rapportés.
En cela, la Description constitue, pour l'historien d'aujourd'hui, une inépuisable source pour la connaissance de Saint-Domingue, au moment de son apogée en tant que colonie française.
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