Foot, négrisme et souveraineté nationale

22 juin 2006

Lilyan Thuram

Depuis que l’équipe de France de football gagne match sur match, les places publiques de la Martinique sont envahies par des hordes de supporters brandissant des drapeaux bleu-blanc-rouge et braillant la Marseillaise jusqu’à des heures avancées de la nuit.

Les «Vive la France!» fusent de partout sur l’air des lampions au milieu des habituels «On est les champions!» et «On va gagner!».

Il paraît que cet engouement est dû au fait que les trois-quarts de ladite équipe est composée de Noirs, chose contre laquelle Le Pen s’est insurgé récemment. Ce à quoi le grand patriote gaulois, Lilyan Thuram, lui a aussitôt rétorqué, très indigné, dans une conférence de presse :

«Je suis fier d’être français!»

Le négrisme est donc l’ennemi du souverainisme martiniquais, tant du souverainisme autonomiste que du souverainisme indépendantiste. La démonstration est désormais claire. Pas pour tout le monde, hélas. Pas pour la plupart des souverainistes qui par lâcheté, par faiblesse, par calcul électoraliste ou plus simplement par médiocrité intellectuelle crasse, se refusent à appeler un chat un chat à savoir que cette équipe de France est composé de «Blacks», de «Noirs français», de «Français d’origine antillaise», de «Négropolitains» ou de tout ce que l’on voudra, mais surtout pas d’Antillais.

Que les Noirs français, minorité nationale française, jouent pour leur pays et lui ramènent des trophées, comme le font les Noirs américains pour les USA, il n’y a là rien que de très normal. La France est désormais autant leur pays que n’importe quel descendant d’italien, de portugais, de juif, d’arabe ou, suivez mon regard, de hongrois. Mais là où rien ne va plus, c’est quand le confusionisme négriste met dans le même sac Noirs français et Antillais et se glorifie de les enrégimenter au service de la France.

Devons-nous rappeler à ces «pigmentomaniaques» que nous autres, Antillais, disposons d’un territoire, situé sur un autre continent que la France, que nous avons une langue, une musique, une cuisine, une architecture etc…, bref une culture propre et que nous ne sommes la minorité nationale de personne. Nous sommes une colonie, l’une des dernières du monde, qui a droit comme telle, et cela au regard du droit international, à accéder à la souveraineté nationale.

La coupe du monde de football, outre son côté narcotisation des consciences, aura donc mis en lumière, une fois de plus, l’inconséquence de maints souverainistes martiniquais qui préfèrent sacrifier notre conscience nationale sur l’autel du négrisme imbécile. Les voici à glorifier ces gladiateurs du crampon qui eux, pourtant, n’ont comme seul horizon mental que le montant de leurs salaires (10'000 fois le SMIC par mois pour certains) et la défense du drapeau tricolore!

Edouard Glissant n’aurait-il pas été prophète lorsqu’il écrivait en 1981 que les Antilles dites françaises étaient le «seul exemple de colonisation réussie de l’histoire» 

RAPHAEL CONFIANT
 

 
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