Gwadloup

La dictée créole d'Hector Poullet 

2004 - 3ème Edition
 

Cérémonie hindou
Lors d'une fête hindou, Guadeloupe. © P. Giraud.
 

L'année 2004 étant le 150ème anniversaire de l'arrivée des premiers Indiens en Guadeloupe, nous avons pensé célébrer, à notre façon, la réelle créolisation des Guadeloupéens d'origine indienne en choisissant, pour la dictée créole de cette année, un extrait du livre de Raphaêl Confiant La panse du chacal. Le texte de la dictée créole sera, par conséquent, une traduction en créole de l'extrait ci-dessous. Nous proposons à nos lecteurs, qui voudraient d'avance connaître la teneur de cette dictée créole, de s'entraîner à la traduire eux-mêmes en créole, ils pourront ensuite comparer leur traduction avec la notre et mesurer ainsi eux-mêmes toute la difficulté qu'il peut y avoir à passer d'une langue à une autre. Dores et déjà nous leur souhaitons de passer un bon moment. 

Nous sommes en 1914, à la veille de la première guerre mondiale, Vinesh, fils du cinquante-cinquième et dernier convoi, s'interroge sur son identité.

Où suis-je né?

Je n'ai jamais su si je suis né quelques semaines avant que nous ne quittions l'Inde ou sur le bateau – dont mes parents avaient gardé le nom en mémoire, le White Adder -, en haute mer, celle du feu ou celle des ténèbres. Ou encore sur l'Habitation Courbaril, quelque temps après que mes parents, Adhiyamân et Devi, y furent assignés. Les avis divergent sur la question: selon mon père, à l'époque où il consentait encore à s'intéresser au monde, j'étais fils de cette nouvelle terre, de cette Martinique pour laquelle il éprouvait une sourde et tenace défiance. Il ne me parlait jamais du pays perdu et cherchait – ô paradoxe ! – à me faire aimer celui-ci en m'incitant à partager les jeux des négrillons dont le caractère chamailleur, voire belliqueux, m'intimidait.

Quant au tamoul, il le réservait aux conversations chuchotées qu'il avait avec ma mère, lorsque nous, la marmaille, étions couchés et qu'il nous croyait endormis. A mon frère Ganadin et à moi, il ne parlait que ce créole chaotique qu'il avait réussi à grappiller de la bouche des commandeurs. A l'inverse, ma mère soutenait cou-coupé que j'avais vu le jour là-bas, non loin du Grand Fleuve, et que le sang de ce dernier coulait dans mes veines comme dans celles de tous les vrais Indiens.
(Raphaël Confiant : La panse du chacal, Mercure de France, pages 210, 211)

Mofwazaj kréyòl : Ektò Poulé