De tous les fardeaux que l'humanité transporte insouciamment sur ses épaules, il y a une faiblesse que je porte personnellement en horreur: le manque de civisme qui va de pair avec l'égoïsme, une affreuse manie. Au sens contraire, se logent, de manière confortable, les éloges du savoir-vivre de l'être sociable et éduqué. État d'élévation spirituelle et mentale qu'il ne faut pas confondre avec l'instruction: la somme de l'acquis intellectuel. Dans n'importe quelle société, le devoir civique est un acte essentiel qui sert au plus grand bien de tous et pour tous. Dénoncer les méfaits, venir en aide à ses semblables en détresse sont des actions qui devraient faire partie de la conduite du citoyen objectif.

Tenter de renforcer la chaîne d'harmonie de la co-existence humaine exige une âme missionnaire. Et pour souligner la semaine d'actions contre le racisme 2005 du 17 au 24 mars 2005, rendons hommage à celui qui a pris le risque d'extraire le calvaire du racisme de la mémoire collective de la société québécoise sur grand écran. Il s'agit du réalisateur du film LE NÈG, Robert Morin.

«Une petite histoire à hauteur de gazon pour saisir l'insoutenable légèreté de l'être: ROBERT MORIN nous lance son film. Grouillant comme la vie. Cinglant comme son titr.»

Quelques jours après la sortie de la version originale du film: LE NÈG en octobre 2002, la journaliste Juliette Ruer du journal Voir a réalisé une entrevue approfondie surnommée Drame de couleur. Ayant lu l'article que j'ai trouvé particulièrement instructif, j'ai assisté à la projection du film dans une salle quasiment vide. J'étais étonnée de l'indifférence du grand public face à ce sujet d'actualité.

La simple rumeur d'un film au titre controversé suffisait pourtant à mettre de l'huile sur le feu. Les réactions étaient vives en consultant le site précité : «La cible ratée du Neg'», «On s'écarte du sujet», «Il faut évoluer» «Une affiche qui vaut mille maux»,« Nigger black», «Incompréhension face aux réactions des membres», «Meilleure chance la prochaine fois!», «ben voyons!», «Un nègre, c'est un nègre, non ?», «Des maux pour des mots», «Pour continuer à s'éloigner du sujet», «Le Nègre noir: arrêtons de niaiser». «Le neg».

Il s'agit là de quelques commentaires mitigés répertoriés dans la rubrique cinéma logée au http://www.voir.ca. D'autres recherches plus récentes sur un autre lien : http://allocine.msn.fr/film, m'ont conduite à une fiche signalétique indiquant la réédition du film en 2003 et comportant des censures majeures dont l'affiche et le titre du film. Même le jeune Noir (Iannicko N'Doua-Légaré) ne figure plus sur la liste des acteurs.

C'est dire que la pression de l'opinion publique a été tellement forte au point de forcer le réalisateur à modifier les traits caractériels et évidents du thème discriminatoire qu'il avait développé.

Petits meurtres d'Amérique (Le neg') Film canadien (2003). Policier. Durée : 1h 32mn

Robert Morin, le réalisateur, s'exprime:

"Mon film n'est pas destiné à conforter les opinions des gens qui militent contre le racisme ou à féliciter ceux qui, sans nécessairement militer, se comportent de façon égale avec les gens de toutes les provenances. Mon film s'adresse aux autres, aux frustrés, aux ignorants, à ceux qui cherchent à excuser sur l'étranger tout le pouvoir qu'ils n'ont pas dans le quotidien parmi les leurs. C'est pour eux qu'au Canada le film s'appelle "Le Neg". C'est le terme utilisé chez ces gens, malgré les efforts faits par une grande partie de la population pour transformer ce vocabulaire à connotation péjorative."

N'est-ce pas une forme de discrimination en sens inverse qu'a subi le réalisateur, Robert Morin ? Il est un fait certain que la mauvaise perception des êtres et des choses, l'incompréhension et l'ignorance, peuvent perturber et même renverser les lignes directrices de nos capacités et de nos visions à changer la face du monde.