Les musées, alternative démocratique
au communalisme culturel

Emmanuel Richon

Musée de Mahébourg.
Musée National d'Histoire, Mahébourg.

1. Les enjeux de la muséologie

Plus enclins à résoudre des problèmes économiques d’apparence plus importants, les décideurs politiques ont souvent eu tendance jusqu’ici à sous-estimer les facteurs culturels du développement, s’en tenant à l’équipement, aux infrastructures de base, eau, routes, hôpitaux, …

Sans relancer le vieux débat tranché entre marxistes et weberiens, il va de soi que l’évolution des mentalités et le facteur culturel jouent un rôle beaucoup plus important que celui prévu par les économistes planificateurs des années soixante. Dans cette perspective, les musées, dans le monde entier, possèdent un intérêt évident, se trouvant au cœur des relations entre l’institutionnel et le social, en prise directe avec la population, ils sont bien souvent le levier irremplaçable d’une évolution des mentalités et des conditions humaines du développement. De leur dynamisme peut sortir une prise de conscience des enjeux nationaux, de leur politique culturelle volontaire et réfléchie peuvent émerger des facteurs de stabilité sociale et d’initiative économique.

Musées et démocratie

Le musée est, par définition, une institution populaire, qui touche tout le monde, dont la vocation même est de viser l’ensemble de la population d’un pays ou d’une région, et même un public international. En ce qui concerne l’océan Indien, exception faite de l’Ile de la Réunion et de quelques institutions privées le plus souvent liées au tourisme, ces institutions culturelles reposent presque toutes sur le principe de la gratuité d’accès. Leur proximité géographique avec les habitants au sein des cités ou des campagnes, en fait des pôles culturels intégrés, au cœur du tissu social. Leur raison d’être les rend essentiels à la réalisation de tout projet de développement impliquant la population.

Le musée est bien souvent, la seule institution publique ouverte à tous, s’adressant à tous, se voulant attirer absolument tout le monde en proposant des programmes ou des visites ciblées. Ainsi, il est très important de bien comprendre cette spécificité unique qui fait qu’un musée accepte tout le monde, par vocation : quels que soient l’âge, le sexe, l’ethnie ou la langue d’origine, le niveau de culture, le handicap éventuel, le niveau de vie, le musée se veut prétendre à réunir, à offrir un «produit culturel» spécifique et adapté. Le musée, en cela, est un facteur de démocratie, étant le seul organisme social à tenir compte de chaque personne par vocation, par intérêt et à proposer une politique réelle d’intégration à de nombreux groupes par ailleurs exclus (économiquement faibles, personnes handicapées, groupes de personnes analphabétisées ou désalphabétisées, personnes âgées,…). Par exemple, la dotation du musée de Mahébourg en audioguides électroniques en langue créole a permis de viser un public potentiel supplémentaire d’environ 200'000 personnes (visiteurs non-alphabétisés, non ou mal-voyants, créolophones unilingues,…).

Allant plus loin, les musées, compte tenu de cette proximité avec les populations quelles qu’elles soient, s’ils viennent à avoir une certaine autonomie, sont de formidables facteurs de développement culturel. Favoriser et encourager l’autonomie institutionnelle des politiques muséales, c’est donner un incroyable développement réel à la démocratie dans un pays.

Les musées peuvent également concerner l’ensemble des populations, non seulement en s’adressant à tous, mais aussi et de manière actuellement insoupçonnée dans l’océan Indien, en impliquant la population, qui se trouve ainsi concernée par l’initiative culturelle elle-même, soit en participant à un programme, une exposition, une manifestation, soit-même, en se trouvant à l’origine d’un musée. Combien de villages dans le monde possèdent leur propre musée!

Dans la zone océan Indien, la conception occidentale traditionnelle de l’institution muséologique domine largement et ces possibilités culturelles majeures sont inexistantes actuellement, la conception même de la notion de «patrimoine» étant très sous-estimée. La muséologie actuelle de cette partie du monde, y-compris La Réunion, néglige volontairement des pans entiers de la culture locale des populations (langue créole, séga, esclavage, patrimoine ou architecture vernaculaire, …tous thèmes inabordés à Maurice par exemple). Ce ne doivent pas seulement être les gens qui viennent dans un musée, c’est aussi aux musées à créer leurs propres structures à la recherche de nouveaux publics, dans l’intérêt de la collectivité.

Museum d'Histoire naturelle, Port-Louis.
Museum d'Histoire naturelle, Port-Louis.

La vocation des musées, dans ce cadre, n’est plus seulement de conserver, mais également de susciter, de rassembler des initiatives éparses, de fédérer les intentions latentes en les canalisant vers des objectifs muséologiques clairs. Il est nécessaire de remettre en cause la notion de patrimoine, de lui redonner sa complexité, toute son extension possible, ses ramifications dans des domaines jusqu’alors ignorés.

De nouveaux musées pourraient ainsi surgir, proposant une pédagogie globale et ne traitant plus seulement d’Histoire humaine ou naturelle, d’architecture, mais aussi des pratiques culturelles ou des relations de l’Homme avec son environnement. Le musée ne peut pas être ce grand coffre-fort collectif et médiatisé de tout ce qui a de la valeur, image que laisse un peu trop le musée dans les sociétés des pays riches, il devient aussi le moyen de mettre en valeur d’autres patrimoines vécus, intangibles, naturels, … qui avaient tendance à être jusque là totalement négligés, justifiant par là un élargissement considérable du concept de patrimoine.

Tout élément de ce patrimoine professionnel, naturel, oral… devient instrument documentaire au prix de la rigueur scientifique requise. Il s’agit d’une nouvelle démarche de recherche, vécue comme une formation nouvelle où sont impliqués responsables de musées, associatifs, usagers et chercheurs et où se confrontent à la fois la culture dite savante, le savoir populaire et le savoir technique professionnel ou artisanal.

D’ailleurs, il convient tout de suite d’affirmer que, même dans sa mission traditionnelle de conservation, le musée n’assure pas seulement la pérennité d’une œuvre ou d’un objet. Ce faisant, il permet également à l’artiste de trouver du sens à ce qu’il fait. Si ce dernier sait très bien que l’Etat ne joue pas son rôle à ce titre, ce n’est pas seulement l’œuvre qui se trouve abandonnée, malmenée, mais à travers le manque de considération dont elle est l’objet, c’est la possibilité même de transmission du travail de l’artiste qui se trouve bafouée et l’artiste lui-même qui se trouve méprisé, cantonné qu’il est à l’éphémère.

Ces changements dans la muséologie régionale permettraient de réaffirmer, comme nouveaux points de départ, la mission sociale du musée, la primauté de cette mission sur ses fonctions traditionnelles, soit la conservation, le bâtiment, l’objet… Il s’agit d’amener une population à s’intéresser à sa région et à sa culture, et par là-même de lui conférer une responsabilité accrue quant à son avenir et celui de son propre patrimoine, naturel et culturel, tangible et intangible.

Beaucoup plus que de simples «musées de quelque chose», nous nous trouverions en présence de «musées pour quelque chose». On le voit, le musée est un véritable vecteur potentiel de démocratisation de la société, de décentralisation et de diversification des initiatives culturelles, il est aussi démocratique à un autre titre: celui de la diffusion des savoirs et des connaissances. Musées des Sciences et musées d’Histoire naturelle sont bien souvent les seules possibilités de compréhension du monde moderne dans lequel nous vivons tous. Seul lieu permanent de remédiation, le musée constitue une alternative pédagogique fondamentale à des systèmes éducatifs ou défaillants ou trop sélectifs. Il est bien curieux que dans le cadre d’une réforme linguistique des vecteurs d’enseignement, les musées ne se soient pas associés à une présentation plurilinguistique fondamentale de leurs collections. L’entrée de la langue créole dans l’enseignement se fait sans qu’aucun medium culturel n’ait été pensé dans cette langue, les musées quant à eux, s’en tiennent parfois à la seule langue latine pour présenter par exemple leur collection de coraux.

Fenêtre sur le monde et la modernité, cette institution populaire est un lieu de réflexion, de diffusion locale des connaissances selon les approches spécifiques et adaptées, tenant compte de la réalité spécifique de la région concernée, ce que n’offre pas toujours la télévision ou l’internet… Le musée permet au public d’avoir une approche beaucoup plus poussée et réelle de l’apprentissage scientifique. Le tri-dimensionnel, le tactile, le relationnel y sont évidemment possibles, le musée est le lieu d’adaptation à la spécificité de chaque visiteur. Les enseignants doivent pouvoir y trouver le support possible à des approches différenciées et non livresques des sciences et de l’Histoire, de l’Art également. L’approche artistique directe, au contact des œuvres et des artistes, ou en ateliers d’art, ne peut être comparée avec la médiatisation télévisuelle ou virtuelle, aussi bonne soit-elle. Ainsi, le musée est l’instrument privilégié de la diffusion, de la transmission et, au sens le plus noble du terme, de la vulgarisation.

Musées et unité nationale

Tous parents tous differents

Ciment culturel, facteur d’harmonie et de paix, l’institution muséale peut aider à diffuser certaines notions à des moments-clefs: en février 1999, des émeutes assez violentes eurent lieu à Maurice, relançant les débats et les doutes sur l’harmonie et la concorde intercommunautaire. S’inspirant de son homologue français le «Musée de l’Homme», le Mauritius Institute proposa aussitôt une exposition Tous Parents, tous différents, rebaptisée «Nous tout famille», additionnant à l’exposition du musée de l’Homme, une cassette vidéo de la télévision suisse romande «6 milliards de races», ainsi qu’une anthologie de poèmes du monde entier contre le racisme et plusieurs vitrines montrant les positions antérieures absurdes de la science. Cette exposition sur l’absurdité scientifique du concept de «race» eut un grand retentissement. Dans un pays où certains politiciens se gargarisent encore volontiers d’une «Ile Maurice multiraciale», introduire ce discours scientifique de manière vulgarisée est très important. Cette expérience, parmi d’autres, témoigne bien du rôle et de la place que doit avoir un musée dans un contexte politique et une situation pluriculturelle précise. Témoignant scientifiquement de l’unicité fondamentale et prouvée du genre humain, ce type d’exposition ancre le musée dans sa vocation sociale.

Des expositions sur des thèmes interculturels évidents dans une situation sociale moins tendue, auraient pu jouer le même rôle (par exemple: «le concept de non-violence, de Tolstoï au Mahatma Gandhi, de Thoreau à Martin Luther King», en liaison avec l’UNESCO …).

Le musée, dans ce type d’activité, est le dénominateur commun de l’interculturalité, le vecteur du ciment social, valorisant les cultures, il est également le catalyseur des identités, y-compris celles qui auraient pu se trouver jusque là négligées ou délaissées (oralités, personnes handicapées, minorités, femmes,…)

Autre enjeu du développement, le musée est aussi le lieu de sensibilisation à des problèmes d’envergure nationale tels que les problèmes de la gestion de l’eau et de la sécheresse, la préservation de l’environnement corallien, les espèces en voie de disparition, la lutte contre les insectes nuisibles ou le paludisme, la prévention et la lutte contre le sida,… tous sujets que se devrait d’aborder un authentique Museum d’Histoire naturelle dans cette région, tous domaines où la sensibilisation des mentalités et la prise de conscience du rôle moteur de chacun est à la portée d’une muséologie dynamique et initiatrice. Le musée se doit d’être un authentique lieu de débats, d’expositions, lieu de liaison avec le monde des associations privées et indépendantes. L’existence de relations fortes et durables avec cet univers associatif indépendant du pouvoir politique sera le gage de l’autonomie et de la professionnalisation des musées, condition de leur succès. Malheureusement, la situation actuelle est bien souvent inverse, les milieux associatifs ayant la plupart du temps prospéré isolément et parfois même ayant été volontairement exclus de l’univers culturel des musées.

L’institution muséale a à ce titre un objectif fédérateur évident, facilitateur, elle doit susciter et générer en son sein des débats, lieu d’accueil des universitaires, experts, intellectuels, qui sont le terreau des associations. Enfin, dernier point et non des moindres, le musée est bien souvent l’une des rares fenêtres sur l’extérieur. Dans le contexte de l’insularité qui est la marque de la plupart des pays de l’océan Indien, cette fenêtre sur l’Autre, le dehors, l’ailleurs, est le seul lien avec le reste du monde en dehors de la télévision et de l’internet, l’une beaucoup trop contrôlée l’autre tantôt trop superficiel, tantôt trop abondant. Se servant justement du télévisuel ou de l’internet, le musée peut permettre ce rapprochement entre l’insulaire éloigné par obligation et l’ailleurs moderne et inexpliqué.

2. Facteurs de développement des musées dans la zone océan Indien

Les musées, par leur impact, suscitent ou peuvent générer un ensemble d’effets économiques induits considérable. Ils sont véritablement les vecteurs de tout développement culturel fort. Par les savoirs acquis à leur fréquentation, les musées sont initiateurs d’évolutions durables des mentalités, ils occasionnent beaucoup plus de réflexion sur un thème donné et ancrent d’autant mieux leur visite dans la mémoire. Ils sont au cœur de toute politique cohérente et sensée des loisirs en offrant des possibilités réellement démocratiques d’accessibilité aux savoirs.

En ce qui concerne le tourisme, le musée est un peu la vitrine d’un pays, le lieu par excellence de présentation des richesses patrimoniales locales au sens le plus large du terme. Lieu d’alternative évident aux activités plagistiques ou balnéaires, dans une zone à forte pluviométrie saisonnière, le musée a un rôle complémentaire à jouer dès aujourd’hui, en offrant une visite enrichie lors d’un séjour touristique. Mieux intégrés au tourisme en général, les musées peuvent induire des pôles de développement inexplorés, «routes du patrimoine» sur des parcours, circuits culturels aux étapes muséales consécutives et panachées avec des lieux de séjour ou de restauration haut de gamme, ces institutions peuvent réellement constituer des étapes incontournables d’un tourisme différent et culturel. Enfin, dans l’optique weberienne mentionnée en exergue, les musées sont les leviers de changements des mentalités qui peuvent modifier certains comportements.

Toujours dans le cadre d’une évolution vers plus de démocratie, la plupart des institutions muséales de la région ne possèdent pas d’Association des Amis de Musée, ce qui paraît symptomatique, tant ces associations seraient faciles à créer. Outre le fait que ces associations peuvent être des sources utiles de financement ou d’acquisitions, de bénévolat ou d’aides diverses, de publications etc., il va de soi que par le fait qu’elles sont créées par la population et sont indépendantes des pouvoirs en place, elles seraient des outils incontournables dans le processus nécessaire d’autonomisation et de contrôle démocratique des musées. Démocratie directe d’une population en prise avec la réalité de son patrimoine et de son identité, l’Association d’Amis de Musée est un contre-pouvoir pouvant aider grandement à rendre le musée un peu plus indépendant et actif. Elle contribue également à responsabiliser les populations quant à leur patrimoine. Impossible de faire n’importe quoi avec les collections, impossible de présenter n’importe comment les collections sans justification, impossible de dissimuler des patrimoines pourtant destinés au public, etc.

Enfin, au sein des relations internationales, les musées sont des relais importants dans la diffusion d’idées ou de politiques prônées par les institutions internationales du type UNESCO, ICOM ou ICOMOS.

Egalement, par les relations fédératives que les musées peuvent tisser entre eux, l’émancipation du pouvoir central bureaucratique et politisé peut être facile à susciter: des programmes régionaux dans divers domaines seraient à même de développer les cadres de cette autonomie. Certes, les derniers programmes lancés par AFRICOM existent, mais n’émanent pas de la région et sont donc souvent peu adaptés aux spécificités des îles de l’océan Indien. Il serait sans doute souhaitable de développer et contribuer à favoriser beaucoup plus les relations sur la zone océan Indien stricto sensu.

L’AMOI, Association des Musées de L’Océan Indien est actuellement très insuffisante et trop généraliste. De petites associations ou fédérations de musées groupés par domaine seraient beaucoup plus judicieuses : Musées d’Histoire Naturelle de la région, musées d’Art, musées d’Histoire, des organisations régionales seraient beaucoup plus à même de stimuler les initiatives en commun, les regroupements de moyens et d’intérêt. La quasi explosion d’internet sur la zone a complètement modifié les paramètres financiers des communications inter-musées, les rendant désormais potentiellement accessibles et quotidiennes.

L’existence d’une entité culturelle régionale

Il est évident que plusieurs concordances d’intérêts intellectuels permettent dès aujourd’hui, pourvu qu’on sache les prendre en compte, de dessiner, de définir un pôle culturel régional :

L’insularité paraît être une des données fondamentales qui relie tous les pays de la zone. Cette insularité induit culturellement des problèmes communs à résoudre: protection de l’environnement, évolution climatique,… Certains thèmes ne relient certes que quelques pays de la zone: volcanisme, cyclone, langues créoles,… néanmoins, l’existence de l’océan et la conscience de vivre dans une même région géographique induisent une culture insulaire certes nuancée (Madagascar et Rodrigues n’ont pas la même superficie), mais commune.

L’insularité et ce qu’elle implique: migrations historiques de populations, univers de la pêche, spécificité unique des faunes et des flores, influences linguistiques réciproques, tous thèmes à creuser qui peuvent générer des musées ou des expositions. Une solide communauté d’Histoire existe, qui mérite d’évoquer une région culturelle où tout paraît beaucoup plus lié qu’ailleurs. Cette dimension Océan Indien existe, bien sûr d’autres entités fortes y ont eu quelque impact essentiel, Afrique du Sud et Hollande, France, Angleterre, Inde,…, mais ces influences sont justement partagées par tous les pays de la zone, renforçant cette communauté culturelle. Cette réalité historique n’a malheureusement aujourd’hui quasiment pas d’existence effective sur un plan institutionnel. Chaque pays semblant attiré vers un pôle extérieur différent de celui de l’Ile voisine, sans prendre conscience de la nécessité d’inaugurer un pôle culturel autonome et commun.

Pour ne prendre qu’un exemple, la musique, omniprésente dans ces pays, est un évident point commun, maloya, séga, autant de ferments culturels vivants et liés entre eux qui parsèment les îles. Tous ces thèmes communs ne sont pourtant que virtuels: pas de «Maison de la langue créole», lieu d’oralité et d’Histoire des langues, pas de «Maison du séga», autant de potentialités nombreuses et susceptibles de concerner plusieurs îles de l’océan Indien. Mentionnons également certains manques absolus: jusqu’à présent, l’île Rodrigues ne dispose d’aucun musée.

Fort de ce qui vient d’être esquissé, des instances régionales devraient pouvoir être échafaudées. L’Association des Musées de l’océan Indien étant pluridisciplinaire ne s’avère pas convenir parfaitement aux attentes des musées de la région, c’est un euphémisme. Des associations plus restreintes et ciblées, regroupées autour d’un domaine particulier, seraient bien plus à même de générer des dynamiques muséales intensifiées. Association des Musées d’Histoire Naturelle de l’Océan Indien, Association des musées d’Art de l’Océan Indien, Association des musées d’Histoire de l’Océan Indien, autant d’organisations qui devraient absolument voir le jour et fédérer des professionnalismes pour l’instant dispersés.

L’AMOI n’étant pas satisfaisante, pas étonnant que les musées de la région se tournent plutôt vers des instances supra-régionales telles que la SADCAM (Association des Musées des pays de la zone SADEC) ou autres, espérant y trouver possibilités de formation ou expositions et se heurtant en fait à l’éloignement réel de cette zone géographique aux intérêts culturels communs moins nombreux (exceptés le Mozambique et Zanzibar).

Par ailleurs, les relations directes de l’ICOM (Conseil International des Musées) avec la zone ne sont pas plus satisfaisantes, émanant d’une organisation peu au fait des réalités de la situation muséologique régionale. Formations communes et réciproques, échanges d’expositions, création d’expositions à plusieurs, exportation d’expositions hors de la zone, création de nouveaux musées, échanges de bases de données concernant les fonds de collections,… tout reste à faire.

Le manque d’ouverture sur l’extérieur et le manque de démocratie dans l’administration des musées publics ont abouti à une véritable catastrophe culturelle où des collections de toutes sortes (tableaux de valeur, collections d’Histoire naturelle,…) sont méprisées et malmenées, inutilisées parfois, ce qui est contraire à la vocation même d’une muséologie digne de ce nom. Parfois aussi, de belles occasions de création de nouveaux musées ne sont pas même prises en compte, alors que leur réalisation serait des plus simples et absolument pas coûteuses. Les endroits de notre capitale ne manquent pas où pourraient s’ouvrir de telles institutions, véritables pépinières de sens, compensant par une muséalisation progressive, la perte insupportable d’intimité culturelle due au changement de rythme de notre époque. Pas étonnant, si rien n’est fait, que les populations risquent de perdre leurs repères identitaires et s’en remettent de plus en plus à tout ce qui peut pallier de manière illusoire ce manque, de manière sectaire, violente, ou communaliste, c’est-à-dire exclusive de l’altérité.