«Le mot est plus vieux que l'Homme.»
Cette parole populaire, commune à nombre de sociétés
traditionnelles, peut surprendre. Car certains ont coutume
de penser que l'homme est le maître de la parole, comme
il est celui de l'eau et des diverses forces de la Nature
qu'il asservit à sa guise. Elle réaffirme au contraire
la primauté du pouvoir de la parole, pouvoir qui ordonnance le monde, en installe les multiples composantes etédifie l'univers. Seuls certains initiés savent trouver le
secret de ce pouvoir qui met le monde à leur merci. Albert
GASPARD est de ceux qui ont droit tout naturellement
au titre de «maître du dire». De quoi nous parle-t-il dans
ces «belles paroles»?
De ces êtres, de ces choses que nous avions appris à
oublier, puis que nous valorisons à présent. Lapin, Zarigné, Louwa, Guiab. De la mer, de la pluie, du vent, de
la faim et de l'éternelle misère du paysan. C'est une fois
de plus le paysage antillais qui se met en place avec ses
champs d'ignames, ses carreaux de manioc. Que retrouvons-nous à travers ces contes traditionnels? Souvenirs
d'Afrique, alchimie caribéenne. Nous avons déjà lu cela.
Et cependant, nous sortons enchantés de la lecture de ce
matériau très ancien. Pourquoi? Parce qu'à chaque page,
s'instaure la créativité. «Il importe, recommande Alain
RUTIL dans son avant-propos, de ne pas nous arc-bouter à des racines mortes...» C'est bien à cela que s'emploie
Alain RUTIL, grand amoureux des traditions, qui fait
preuve, lui aussi d'œuvre de création par son travail de
préservation et de transcription du patrimoine oral de
la Guadeloupe.
Extraits de la Préface de Maryse CONDÉ.
Publié sous l'égide de l'Agence de Coopération
Culturelle et Technique
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