La saga des origines de l'Argentine est une succession d'incroyables aventures. Elle est faite de l'accumulation d'expéditions hasardeuses, d'exploits dans la traversée d'immenses déserts, dans le franchissement de chaînes de montagnes si hautes et si larges qu'on n'aurait pas pu les imaginer en Europe. L'Argentine a aussi été le lieu de guerres longues et sanglantes avec les populations amérindiennes, puis celui d'une immigration massive. Ce livre retrace cette histoire, et nous conduit jusqu'à nos jours au long de la construction d'une nation.
On est loin de l'image aseptisée que donne souvent l'Argentine, celle d'un "pôle blanc" de l'Amérique latine, édifié sur une terre presque vierge d'habitants, sur un sol fertile et dans une nature accueillante.
Les paysages de la pampa, des Andes et de la Patagonie encadrent désormais une culture proprement argentine, riche et originale, à laquelle ce livre donne accès à travers de multiples entrées: musique et littérature certes, mais aussi lieux et objets emblématiques de la vie argentine. Au cœur de cette société, une identité forte, transcendant les luttes de l'histoire, s'est forgée dans une créolité faite de synthèses. Cet ouvrage livre le portrait riche et nuancé d'une Argentine à l'histoire où se mêlent crises et innovations. Il révèle la continuité de la vie d'une nation avec l'histoire qui l'a formée et la culture qui lui donne son prix.
Odina Sturzenegger-Benoist est maître de conférences à l'université Paul Cézanne (Aix-Marseille III), après avoir occupé pendant plusieurs années un poste au CONICET (Consejo Nacional de Investigaciones Cientificas y Técnicas) à Buenos Aires. Elle est membre du CREALC (Centre de recherches sur l'Amérique latine et les Caraïbes) de l'Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence. Elle a publié de nombreux articles sur les sociétés indiennes et créoles de l'Argentine et du Paraguay, et l'ouvrage Le mauvais œil de la lune (ethnomédecine créole en Amérique du Sud) en 1999 aux éditions Karthala.
Table des matières
Introduction
- Conquérants et aventuriers
- Espagnols et créoles
- Le temps des caudillos
- La nation des élites
- La percée des majorités
- Perón
- Une époque tourmentée
- Une démocratie fragile
- Ceux qui ont tout perdu
- Les voies d’une créolité : histoire, culture et société
- L’Argentine des Français
- Une littérature sud-américaine originale
- Le tango: une musique locale devenue mondiale
- Emblèmes argentins
La pampa
Le gaucho
La langue
Le dulce de leche
- Passions argentines
Le maté
La table
Le football
La psychanalyse
Le cinéma
- Voyager en Argentine
Bibliographie
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Introduction
«Nous survolions des villes au bord de l’eau qui regardaient vers l’Europe, immenses amphithéâtres où la population s’entasse comme en attente du grand bateau du retour; et les plaines laborieuses du blé et celles, toujours vertes, du bétail» - Hector Bianciotti, Seules les larmes seront comptées.
Il y a cette ville et il y a ces plaines; il y a aussi le ciel, encore plus immense, à tel point que ses flottilles de nuages semblent aller jusqu’au-delà de l’horizon. Puis ce sont les montagnes, plus hautes, et en chaîne plus longue que tout ce qu’on a jamais vu en Europe.
Dire l’Argentine, c’est toujours parler devant ces immensités, et, même lorsqu’on ne les voit pas, elles sont présentes, toujours prêtes pour les envols, pour les chevauchées, ou pour ces longs voyages sur des routes droites qui ne s’incurvent que sur l’horizon.
C’est aussi dire une histoire, dont on verra combien elle a été complexe et souvent tragique. Dans sa construction d’un pays improbable, cette histoire a, en tâtonnant, édifié une société et une culture. Ses épisodes, même si leurs enchevêtrements semblent parfois insensés, sont autant de coups de burin qui ont sculpté peu à peu le pays. Ses valeurs et ses erreurs, ses créations et ses échecs y prennent leurs racines tout autant que dans le paysage, tout autant que dans ces immensités. La vie quotidienne comme la musique ou les œuvres des écrivains disent tout cela : il suffit d’aller quelque peu au-delà des apparences pour y trouver à la fois la passion, les espoirs et les nostalgies qui ont fait cette histoire.
Mais tout cela ne s’est pas déroulé sur une terre vierge. L’histoire n’est brève que lorsqu’elle ne conte que l’édification d’un pays. Elle est bien plus longue si on n’oublie pas ceux qui vivaient sur cette terre avant que la nation ne s’ébauche. Quand les premiers voyageurs et conquérants sont arrivés d’Europe, les côtes, les plaines et les montagnes, du nord tropical au sud glacial, étaient peuplées. La densité de ceux qui habitaient ces terres n’était certes pas élevée, mais ils étaient suffisamment nombreux pour savoir les défendre lorsqu’on prétendait les leur prendre. Et depuis les débuts de la colonisation, la résistance indienne a été un fait constant, qui s’est poursuivi jusque fort avant dans le xix e siècle. L’Argentine est aussi porteuse de cet héritage, celui des peuples comme celui de leurs luttes.
Souvent isolée du reste de l’Amérique latine par son orgueil et par ses ambitions, elle en fait toutefois profondément partie, et cette Amérique, avec ses violences et ses élans, est au cœur de son identité.
Je remercie ceux qui, par leurs conseils, leurs documents et leurs photographies, m’ont aidée à enrichir ce livre: María Fernanda Arias, Carmen Bernand, Monique Desroches, Gustavo de Elizalde, Virginia de Elizalde, Miguel Ángel Filippetti, Cecilia Ingrasiotano, Hélène Jullier, Mercedes Lanús de Miguens, Marcos Miguens, Pilar Montero, Cristina Pecci, Manuel Porrúa, Georges Richard, Adolfo Sturzenegger, Germán Sturzenegger, Elisa Ullóa de Porrúa, Daniel van Eeuwen, Beatriz Ventura.
Et je n’oublie pas la soigneuse relecture de Mme Anne Kraft et l’appui constant de mon époux, Jean Benoist.
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