Ayiti

Poèmes

Marie Flore DOMOND

Marie flore Domond
Récipiendaire du Grand Prix Littéraire 2003 de l'Association Haïtienne des Ecrivains, Marie Flore Domond compte parmi ses oeuvres inédites Perle NoireAnthologie haïtienne de poésie féminine et Bienfaits de la chose écrite (études critiques). Elle est née à Port-au-Prince (Haïti) au début d'un été des années 60, d'un père Jacmélien et d'une mère originaire de Miragôane.

B I J O U X  D E  N A T U R E

Sur une île mystérieuse des Antilles enchantées
de me yeux extasiés d'un éclat de beauté
et mon cœur emballé passionné auréolé d'amour
j'ai surpris d'un seul coup les merveilles de la tombée du jour

Le reflet scintillant d'un coucher de soleil
reluisait encore sur le bleu saphir de la mer
des vagues de faux rubis roulaient sans cesse
jusqu'à l'extrémité de la rive de perles
encerclée de coquilles diaprées
de ces écumes dentelées d'argent pur et fragile

Les flots métalliques cabrés déposaient pourtant avec grâce
des lopins d'émeraude qui se cristallisaient aussitôt
sur le sable opale
au-dessus du bleu azuré et satiné du ciel clément
flottaient des ouates de nuages en taffetas et mille autres étoffes

A l'Occident
un alliage de topaze
et d'autres pierres précieuses empourprées
s'infiltraient le long des horizons
s'éparpillaient en de f i n e s t i g e s d'o r
jusqu'à se perdre au tréfonds de l'océan
par une douce fantaisie des ombres du crépuscule
mais sertis de diamants roses
pourtant exposés sur du velours cuivré

Emportée par la brise
l'odeur agréable des fleurs prestigieuses
aux arômes de lilas de jasmin et marguerite
s'élevait lentement au-delà du firmament
puis se volatilisait en parfum de lune
pour charmer encore une fois des rêveurs

Comme moi

 

LES FLOTS DE LARMES VERSÉES
SUR MA TERRE NATALE

J'ai vu le jour sur l'étendue de ta plus belle saison
à l'époque où ta fraîcheur rehaussait encore
la splendeur des champs, des rives et collines
vêtue d'une parure enjouée,
tu charmais du soir au matin
tous ceux qui courtisaient ton paysage
Le firmament presque toujours bleu limpide
observait jalousement ton allure
jusqu'au coucher flamboyant du soleil

Souvent
la lune et les étoiles scintillantes se bousculaient
pour éclairer tes multiples sillages
tes brises saisonnières ont guidé mes pas
dans les jardins embaumés de tes fleurs capricieuses
tu m'as vue courir à travers tes sentiers paisibles
tu m'as entendue répandre des cris qui t'ont fait frémir
tu m'as vue grandir aussi
par lassitude
je t'ai tourné le dos
pour poursuivre d'autres buts à la recherche du mieux être

 

Là-bas
je t'ai niée, ignorée, méprisée !
Combien de fois me suis-je donc révoltée pour critiquer
ta petitesse, ton insignifiance offensante, ta passivité
tes grands espoirs sans lendemain

 

Ô ! Chère Haïti : Perle de toutes les Antilles
malgré tous ces blasphèmes
j'ose encore revenir
abuser de ton hospitalité
et tu m'ouvres une fois de plus tes naïfs bras sans méfiances
comme si tu attendais depuis longtemps
que je revienne poser un regard songeur
sur ta frêle silhouette décadente
par ton accueil toujours chaleureux et insouciant
je frissonne de tristesse
je suffoque de remords
et des flots de larmes parcourent mon visage
jusque sur ton sol aride
 

LE PARADIS PERDU
                    DANS LES CARAÏBES DÉPAYSÉES

Villes de misère
quartiers populaires
impasses de poussière
corridors d'enfer

                    Vie de tension et de colère
                    dans ce pays de chimères
                    point de sourire-éclair
                    miroitant les dents éclatantes de blancheur

                                        Rien que la peur
                                         qui paralyse la bonne humeur
                                        dans les rues
                                        circulent les rumeurs
                                        les citoyens en sueur
                                        se racontent leur vécu d'horreur
                                        se discutent leur calvaire
                                        quand ils sont d'avis contraire                                         s'injurient et se regardent de travers
                                        leur regard menaçant de fureur

                                        Où sont passés les témoins oculaires 
                                        ont-ils fait marche arrière face à leur malheur ?

                                                            N'ayez crainte
                                                             ils s'accrochent à leurs prières
                                                            pour obtenir chacun leur part
                                                            de la vente aux enchères de ma PATRIE
                                                            terre d'Haïti autrefois si fière.

 

LE COQ SACRÉ

Le mystérieux paysan
tient fort dans ses mains
son ami
sa raison
sa passion
son gagne pain
qu'il entretient à coups de clairin
de grains avec entrain
il lui murmure à l'oreille
plein de baratins
pour le rendre plus malin
demain
ce sera sa fierté sur le terrain
quand il ira se mesurer devant les copains
loin, très, très loin
au bord d'un ravin
en face de son jardin

 

L'adversaire ferait mieux
de se préparer
les éperons aiguisés
la tête élevée
les yeux presque toujours protégés
mais bien avisés
le duel sera amorcé
la foule excitée
une ambiance à tout casser
chacun voudra gagner
certains penseront même à tricher
après avoir tout misé
s'il se fait agresser
la volaille apprivoisée
aura sans doute un repos bien mérité
 

MAGIE TROPICALE

Là-bas sous les tropiques
l'ambiance est féerique
la musique énergique
le soleil authentique
pour les rencontres publiques
les femmes créoles magnifiques
leur cadence tonique
au sourire angélique
leur accueil pacifique
autour des décors en briques
ornés de peintures fantastiques
Au loin
les mornes épiques sont d'ailleurs excentriques
même couvertes de nuages mélancoliques
Hum ! climat exotique
atmosphère frénétique
m'inspirant des élans poétiques

 

AUX COUPEURS DE CANNE

Je vous salue
amants de la plantation
pour vos combites joyeuses d'antan
vaillants gars des champs
aux mains calleuses et laborieuses
Vous
qui assuriez l'avenir du monde agricole  

Je vous salue
passionnés cultivateurs
Vous
les ravis
les enjoués d'autrefois
qui braviez sans crainte au matin
des hectares peuplés de canne à sucre
et qu'au soir
vous vainquiez à coups de machettes
de chants folkloriques
de tafias puisés à même de ce fruit de vos labeurs
pour l'honneur national  

 

Le jour de la crédulité
sans défense ni méfiance
sans armure ni bouclier
vous avez pris rendez-vous ailleurs
chez les imposteurs
où vous ne vous doutiez de rien
alors qu'ils pensaient tout prendre
pas même partager
voire donner

J'ai appris que vous vous faites exploités
maltraités,
méprisés sans pitié
comme des vulgaires coupeurs de canne à sucre
j'ai pleuré
j'ai prié
j'ai crié
j'ai même pensé à me sacrifier
mais le prix de mon sang indigné
serait-il suffisant pour vous délivrer
vous libérer à tout jamais ?
en attendant : JE VOUS SALUE !
 

POUVOIR INTÉGRAL

Compagnon de solitude
des nuits blanches paisibles
quelquefois à l'aurore
tu te fais expulser par la gorge irritée

B ruyant camarade
dans des fêtes champêtres
à la tombée du jour
tu surprends toujours
de ton ambiance tapageuse
confondue dans une odeur de cigarette
de tabac aspiré et de fumée pénétrante

Tafia
évocation du mal mais aussi du bien
frontière de la transcendance intégrale
d'une délivrance suspendue
ou d'un sort jeté

Liaison entre ciel et terre
des intentions malfaisantes
recours perpétuel des vœux de chasteté
ingrédients du rituel cérémonial des guérisseurs
aux arômes d'espérance
nécessité absolue de toutes festivités
passe temps des riches
consolation des pauvres
fantaisie d'ornements

 

RHUM BARBANCOURT !
boisson favori du plus grand guerrier des dieux
et des vaillants esprits
des redoutables protecteurs
puis des associés
et des alliés
alcool des moments de complicité
grog des occasions spéciales
patrimoine national d'un héritage ancestral
au goût franc de plaisir
à saveur de l'honneur assuré

 
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