À travers la littérature de la langue créole, on distingue différents degrés d'engagement. Les actions inconditionnelles des créolophones, le dénouement fidèle des créolophiles, sans oublier la sempiternelle opposition des créolophobes. Alan Cavé a depuis longtemps confirmé son talent dans le domaine musical comme étant un chanteur d'expression créole. Il a choisi comme lieu de résidence permanent, les États-Unis. Néanmoins, l'artiste n'a jusqu'ici jamais renié son identité antillaise avec toutes les singularités exotiques que cela comporte. Il ne s'est pas égaré dans des courants entonnoirs qu'impose l'influence de la culture américaine aux jeunes de toutes les origines. Sa résistance mérite donc le respect et la fierté de tous les observateurs conséquents.
«A tout Seigneur, tout honneur». Au Québec, Alan Cavé demeure la vedette qui attire des foules en délire. Ses fans rentrent dans la catégorie de tout âge confondu. Il symbolise une des entités en flèche de l'intergénération. Un être au caractère résolu, un artiste au goût sûr. Un jeune créateur qui sait canaliser ses élans et qui maîtrise bien ses émotions fertiles. Il possède une force magnétique indéniable. Sur ses nombreuses balades, il fait bercer, cadencer ses supporteurs sur des paroles de cristal et des notes velouteuses. Excellente cuvé de la fin des années 80, on peut donc graver son nom au firmament des plus grandes étoiles qui ont fait briller chronologiquement la musique haïtienne. Parmi lesquelles se trouvent : le chanteur, Jean Eli Telfort dit Coubano des Shah Shah (l'ex Shleu-Shleu d'Haïti), Roger M. Eugène alias Shoubou du groupe Tabou combo qui ont été des phénomènes musicaux des années 60-70. D'autres révélations comme Dieudonné Larose de la formation Missile et Michel Martelly de Sweet Michy ont notamment fait fureur dans les années 80 et continuent d'influencer fortement les mélomanes conservateurs.
L'expérience en puissance
Le jeune chanteur a débuté sa carrière au sien de la formation Zin. Son succès fut instantané. Malgré tout, son mépris pour la concurrence déloyale était palpable. La pièce intitulée Rablabla en est un échantillon. En tout cas, il semblait avoir certains comptes à régler avec son entourage par un puissant message à l'encontre de la malveillance sous-jacente de ses semblables qui perdure. Ce cri d'alarme marque cette époque de révolte en lui. Il sait performer en groupe. Mais en solo, Cavé évolue avec brio.
Son album solo: SE PA POU DAT faisait surtout appel à la méditation, la réflexion sur des engagements face à ses sentiments intérieurs. Suite à cette réalisation, il avait accepté de m'accorder une entrevue téléphonique lors d'une visite à Montréal au cours de l'été 2003. Ce bref entretien vous sera soumis en extension du profil de la personnalité.
3 LÈT SÈLMAN produit collectif du groupe Zin a succédé l'album précité et a fait écho à l'hiver 2003. Là, il a affiché un ton particulièrement dénonciateur. Un registre que je qualifie: mi miel, mi vinaigre. Il se soulève contre le piratage excessif des œuvres musicales qui assassinent le droit d'auteurs. GANSTA, la «plage» numéro 6 en fait foi. Personnellement, DI PAPI WI était mon favori et chokola représentait la chanson fétiche du grand public.
De sa dernière implosion ou encore explosion ALAN CAVÉ COLLABO' son dernier album, huit chansons sur douze sont d'expression créole. Comme contenu, ses désirs nocturnes se versent dans ceux du jour. En calcul net, il se révèle en un être attachant, en toute cohérence. Certains diraient qu'il exhibe son côté charnel. J'y perçois de préférence un élan tactile, dans la mesure où il respecte et vénère l'âme sœur.
YÈREWA est sans doute en prévision du coup de cœur des usages puisqu'il se retrouve en double positions : originale et club mix sur le même album. Rappelons l'album est produit à 98% en créole, contient 1% d'expression française et une poussière d'anglais. Le chanteur Alan Cavé, une fois de plus fait montre du respect de la tradition, d'esprit de réconciliation tout en étant avant-gardiste dans son genre. Du talent pour certains, de l'obstacle pour d'autres
Il est clair qu'Alan Cavé sait vendre ses émotions de façon généreuse surtout auprès des femmes. Cet engouement peut créer parfois une espèce de rivalité du côté masculin. Une telle situation n'a pas sa raison d'être parce qu'il a su définir son style en projetant l'amour et en reflète les sentiments idéaux. Ainsi, la plupart des femmes noient leur détresse en se penchant inévitablement sur ses déclarations, ne serait-ce que pour avoir une illusion de sécurité affective.
Orientation du cœur
Heureuse destinée, la carrière solo parallèle que mène le chanteur Alan Cavé a fait davantage de lui un messager: la colombe désignée pour pénétrer dans les foyers et franchir le cœur des couples qui ont foi aux sentiments réciproques.
Le charme qui enflamme
Ce qu'il y a de particulier chez l'artiste Alan Cavé c'est son sens sublime de l'amour. Il rayonne de sa foi sentimentale qui s'exprime comme une espèce d'étincelle. Voici en rétrospective le contenu de notre entretien réalisé en février 2003 pour le Journal Présence.
Vous écrivez presque exclusivement en créole. Êtes-vous créolophone à ce point ? Je pense que c'est une réaction de mon subconscient. Bien que j'adore les chansonnettes françaises, l'inspiration en créole me vient naturellement. Je vis à New York depuis plusieurs années et je continue à garder contact avec le milieu créolophone. La langue créole est de toute façon mon identité.
Dans quel état d'esprit vous étiez quand vous avez réalisé l'album se pa pou dat ?
Particulièrement, SÉ PA POU DAT est une histoire qui était enfouie dans ma mémoire. Un souvenir lointain qui a surgi. Alors, j'ai décidé de l'extérioriser
Cela n'a pas rendu votre femme jalouse ?
Pas du tout. Elle est très compréhensible. La preuve, c'est qu'on est très heureux ensemble. Elle est dans le domaine artistique. Elle me supporte beaucoup. Elle connaît très bien le rouage du métier. Je peux dire que je suis chanceux sur ce point. Vos balades sont tellement envoûtantes que vous ne voyez pas la nécessité de mettre l'accent sur les boléros n'est-ce–pas ?
J'essaie de rester en harmonie avec moi même. Je prends l'inspiration comme elle vient. Je peux rationnellement commencer quelque chose et l'abandonner par la suite parce que la suite est totalement différente. Dans ce cas, j'obéis à mes émotions c'est tout.
Pensez vous que le public apprécie vos œuvres à leur juste valeur en matière de contenu ou c'est seulement la mélodie qu'ils exploitent ?
A mon avis, c'est un ensemble. Ils apprécient la mélodie autant que les paroles. Ils les captent rapidement et arrivent même à les fredonner. Je porte une attention particulière sur ce plan, car ce sont des albums commerciaux. Mes histoires rejoignent tout le monde et relatent les choses de la vie. Tout le monde se retrouve quoi !
Vous avez une de ces façons d'opérer vos charmes sur scènes, Il vous arrive de solliciter des jeunes femmes, parfaites inconnues à venir vous embrasser et procéder à d'autres jeux mous. Que représentent ces gestes pour vous ?
C'est simplement du showbiz. Comme je vous ai mentionné, j'ai souvent fait du théâtre. Je reste un homme de démonstration. Cela ne m'empêche pas de respecter mes engagements conjugaux. Monsieur Cavé, votre honneur artistique en dépend quand certains ne s'embarrassent pas de circuler la rumeur que les textes que vous signez ne sont pas de vous. La mine d'inspiration est votre père. Qu'avez vous à répondre là dessus pour faire taire ces insinuations ?
Je n'ai rien à cacher à ce niveau. La plupart du temps, je soumets les premiers jets de mes inspirations soit à mon père ou à ma mère. Je m'estime heureux d'être bien encadré par mes parents. Je profite de leur expérience. Disons que je suis fortement influencé par eux. Je produis l'essentiel, eux, ils m'apportent les éléments de finition en quelque sorte. D'ailleurs, je vis dans un environnement de femmes. Je prends plaisir à les décrire. Pour ce qui est de l'inspiration, c'est facile pour moi de créer. Depuis ma tendre enfance, la poésie, le théâtre font partie intégrante de ma vie grâce a mon père qui est dramaturge.
Entrevue exclusive réalisée
Par Marie Flore Domond
Publication dans le Journal Présence
Vol. VII, no 2027, mars 2003
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