Francois Marbot1
Les Femmes et le Secret
Pa ni engnien qui ka pesé
Com yon parole on doué gadé
Yo dit négresse faibe côté là,
Ça voué ; mais poutant pou palé,
Yo pas faibe passé femme beké.
Et moin kalé fé zott vouè çà.
Yon jon té ni yon négociant
(Moins ka palé zotté gens long-temps,
Faut pas pessonne prend ça pou yo,
Qui té vlé voué en badinant
Si femme li té aimein cancan...
Si mouche-à-miel aimein sirop !...
Dans la nuit, quand yo té couché,
Nhomme là coumencé ka crié,
Femme là levé, — « Pas dit pessonne,
Nhomme là dit li, ça qui rivé
Gadé, machè, tem'mi yon zé
Tout-à-lhé nhomme ou tôti ponne. »
I faudrait femme té pli savant
Passé yo yé, pou voué, la dans
Yon chose come ça, yon cabouia,2
Tala dit : « Moins ka fé sément
Pas dit. On pé bas moin boucan
Si moin palé quéquin de ça, »
Pas moins, ani li té levé,
Femme pas ni engnien pli pressé,
Allé la case macoumè li,
Pou conté ça qui té rivé :
Dit nhomme li té ponne yon groz zé
Soulagé khé li et pati.
Ma coumè là té fé sément
Pas palé ça pou yon vivant.
Mais, ani femme là té pati,
Li conté ça pou toutt parent,
Pou toutt zami li. A présent,
Au lié li dit yon zé, dit dix.
A la fin la jounein, nhomme là
Té ponne yon pagnien samboura.3
Chose yo ka palé, ka longé :
Yonne dit li té ponne zé léza,
Lautt zé codéinne, lautt zé cana :
Té tini toutt sôte qualité.
Femme là ranne nhomme li malhéré,
Làdans zoreille nèg ça tombé ;
Ça té fini ! pas ni personne
Qui de ça pas tanne yo palé.
Et toutt ti mamaille pouend chanté :
C'est yon zé codéinne nhomme là ponne !
Quand zott ni qué chose pour palé,
Fé attention ça qu'a conté,
Si zott pas vlé toutt moune save li.
Zott save toutt moune aimein causé,
C'est pou ça i faut pas blié
Zoreille pa fini couvèti.
Traduction littérale de Marius Hurard4
Il n'y a rien qui pèse
Comme une parole que vous devez garder.
On dit les négresses faibles de ce côté-là.
C'est vrai ; mais pourtant pour parler,
Elles ne sont pas faibles plus que les femmes blanches
Et je vais, à vous autres, vous faire voir çà.
Un jour il y avait un négociant,
Je vous parle à vous autres de gens de longtemps,
Il ne faut pas que personne prenne cela pour soi ;
Qui voulait voir pour s'amuser
Si sa femme aimait à faire des cancans...
Si les mouches à miel aiment le sirop !
Dans la nuit, alors qu'ils étaient couchés,
L'homme commença à crier.
Sa femme se réveilla : Ne dites à personne,
Lui dit l'homme, ce qui est arrivé.
Regardez, ma chère, tenez voilà un œuf
Que tout à l'heure votre homme vient de pondre.
Il faudrait que les femmes fussent plus savantes
Qu'elles ne sont pour voir là-dedans
Une chose comme ça, un cabouia.
Celle-ci dit : moi je fais serment
De ne rien dire. Vous pouvez me corriger
Si je parle à quelqu'un de cela.
Il n'en est pas moins vrai qu'à peine était-elle levée,
La femme n'a rien de plus pressé
Que d'aller à la case de sa commère
Pour raconter ce qui était arrivé.
Elle dit que son homme avait pondu un gros oeuf
Se soulagea le cœur et partit.
La commère avait fait le serment
De n'en parler à âme qui vive.
Mais à peine la femme était-elle partie
Qu'elle raconta cela à tous ses parents,
A tous ses amis. Et alors
Au lieu de dire une oeuf, elle en dit dix.
A la fin de la journée, cet homme-là
Avait pondu un panier de samboura.
Les choses dont on parle s'allongent.
L'un dit qu'il avait pondu un œuf de lézard,
L'autre un œuf de coq d'Inde, l'autre un œuf de canard
Il y en avait de toutes sortes de qualités.
Cette femme-là rendit son homme malheureux.
Dans les oreilles des nègres cela tomba.
C'était fini. Il n'y a personne
Qui de ça n'entendit parler
Et tous les marmots se prirent à chanter :
C'est œuf de coq d'Inde que cet homme-là a pondu.
Quand vous autres vous avez quelques chose de quoi parler
Faites attention à qui écoute,
Si vous autres ne voulez pas que tout le monde le sache.
Vous autres vous savez que tout le monde aime à causer.
C'est pour cela qu'il ne faut pas oublier
Que l'oreille n'a pas de couverture (couvercle).
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